Aujourd’hui en 2017, en juin, il n’y a pas que la désormais célèbre Pride (ou Marche des fiertés). C’est tout le mois de juin qui est réservé à la mise en avant des personnes et de la culture LGBT+. Le mois de juin est ainsi devenu le mois des fiertés (ou Pride Month). Conférences, marches des fiertés, projections de films queers, de nombreux événements sont organisés un peu partout en France et dans le monde. Pendant un mois, le milieu LGBT+ est en ébullition.
J’ai décidé d’apporter ma pierre à l’édifice, en vous proposant une compilation de films, séries et documentaires ayant trait aux thématiques LGBT+.
Il y a beaucoup de films, séries et documentaires consacré·e·s aux thématiques queers. Je ne vais pas me plaindre, autant de visibilité, c’est fantastique. Mais ça complique la tâche lorsqu’on veut proposer une sélection. Impossible de tout mettre, bien sûr. Au sein de chaque catégorie, j’ai classé les œuvres en deux groupes : les productions incontournables, qu’on ne présente plus et qui sont des must see, et les productions, souvent plus récentes, que je vous invite à (re)découvrir.
Le but étant à la fois de ne pas passer à côté des productions cultes qui font date dans l’histoire culturelle LGBT+, mais également de vous proposer des choses plus récentes, afin de mettre en avant des réalisateur·ice·s contemporain·e·s de talent, qui méritent de gagner en visibilité et notoriété.
Préparez thé, mojitos, pop-corn et bonbons, le binge watching peut commencer.
Des films qui donnent (très) chaud
Un peu de sexytude pour commencer. C’est l’été après tout.
Les incontournables
Bound (Lilly et Lana Wachowski, 1996) ; Room in Rome (Julio Medem, 2005) ; L’Inconnu du lac (Alain Guiraudie, 2012) ; Kyss Mig (Alexandra-Therese Keining, 2012)
A (re)découvrir
Below her mouth (April Mullen, 2016) : l’histoire de Jasmine (Natalie Krill), jeune femme fiancée à un jeune homme sympathique et somme toute assez banal, qui rencontre Dallas (Erika Linder), une femme au charme irrésistible. Elle se laisse séduire, et commence alors ce qui pourrait être un idylle parfaite, si le fiancé ne traînait pas dans le coin.
Séduction, larmes, rire, cul, alcool, pluie et regrets : tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce film une romcom comme on les aime – ou pas –, mais la réalisatrice va plus loin, en traitant également subtilement la question de l’orientation amoureuse et sexuelle.
Le plus : Erinka Linder est trop charmante.
Le plus un peu plus sérieux : l’esthétique du film est très réussie, et l’équipe du film est exclusivement féminine, ce qui reste très rare.
Des films qui font chaud au cœur
Parce qu’il y a peu de bonnes nouvelles LGBT+, et parce que les personnages LGBT+ meurent trop souvent sans raison valable dans les films et les séries, voilà de quoi se remonter le moral.
Les incontournables
My beautiful laundrette (Stephen Frears, 1986) ; Priscilla folle du désert (Stephan Elliott, 1995) ; Méprise multiple (Kevin Smith, 1997) ; Fucking Åmål (Lukas Moodysson, 1998) ; Imagine me and you (Ol Parker, 2006) ; La Naissance des pieuvres (Céline Sciamma, 2007)
A (re)découvrir
But I’m a cheerleader (Jamie Babbit, 1999) : une lycéenne et pom-pom-girl est envoyée dans un camp pratiquant les thérapies de conversion par ses parents, qui pensent qu’elle lesbienne. Elle-même n’en sait rien, elle ne comprend juste pas pourquoi elle n’aime pas embrasser son copain. Alors oui, décrit comme ça on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un documentaire, voire d’un film d’horreur. Il n’en est rien.
Le film entier est une immense parodie : parodie de la bonne famille américaine de la fin du XXe siècle, parodie des stéréotypes de genre, parodie des thérapies de conversion, tout est tourné en ridicule. Natasha Lyonne (qui ne jouait pas encore à l’époque la droguée sexy dans OITNB) incarne brillamment une jeune fille désorientée, sur qui on colle une étiquette avant même qu’elle ne se rende compte de son attirance pour les filles. Un film qui permet de prendre sa revanche sur notre société hétéronormée.
Le plus : c’est un film de 1999, ça se voit, et ça rend le tout encore plus drôle.
La belle saison (Catherine Corsini, 2015) : au début des années 1970, Delphine (Izïa Higelin), fille de paysans, monte à Paris pour poursuivre ses études tout en travaillant. Elle se retrouve par hasard à défendre une jeune femme, Carole (Cécile de France), face à un homme, et atterrit ainsi à une réunion du MLF à la Sorbonne. Elle commence à fréquenter régulièrement ce groupe de femmes et se rapproche de Carole, qui finit par craquer pour elle malgré son compagnon (joué par Benjamin Bellecour).
Pour autant, leur couple doivent faire face à un grand nombre de difficultés, liées tant à l’époque qu’au milieu paysan duquel Delphine est issue. Le film aborde de nombreux thèmes, parmi lesquels la question des réunions en non-mixité, la contraception, l’avortement, les thérapies de conversion pour les personnes non hétéros, l’homosexualité bien sûr, mais également l’homophobie latente dans le militantisme de gauche. À travers leur histoire se dessine en filigrane le portrait d’une époque et des luttes qui ont été menées.
Le plus : des actrices principales au top, mais il faut également souligner la prestation de Noémie Lvovsky, qui incarne à la perfection une mère dont l’amour pour sa fille est teinté d’une homophobie bien ancrée. Les images sont très belles (presque autant que les actrices, wink wink), et la réflexion sous-jacente sur l’importance de la convergence des luttes est très intéressante.
Des films pour pleurer
Eh oui, il en faut pour tous les goûts. À regarder pour oublier ton ex par exemple, lorsque tu as épuisé ton stock de likes sur Tinder.
Les incontournables
Torch song trilogy (Paul Bogart, 1990) ; Philadelphia (Jonathan Demme, 1994) ; Aimée & Jaguar (Max Fäberböck, 1999) Shortbus (John Cameron Mitchell, 2005) ; My Summer of love (Pawel Pawlikowski, 2005) ; Le Secret de Brokeback Mountain (Ang Lee, 2006) ; C.R.A.Z.Y (Jean-Marc Vallée, 2006) ; I can’t think straight (Shamim Sarif, 2009) ; Bobby seul contre tous (Russell Mulcahy, 2010) ; Tomboy (Céline Sciamma, 2011) ; Holding the man (Neil Armfield, 2015)
A (re)découvrir
Moonlight (Barry Jenkins, 2016) : il y a 99,99 % de chances que tu aies déjà entendu parler de ce film, qui a raflé – entre autres – trois Oscars (dont l’oscar du meilleur film) et un Golden Globe ces derniers mois. J’ai vu le film au cinéma, avec deux ami·e·s queer. J’ai eu l’impression d’avoir une chape de plomb au-dessus de moi pendant deux heures. On suit le parcours de Chiron, un afro-américan de Miami, à travers trois moments de sa vie (d’abord vers ses 6-7 ans, puis vers ses 16-17 ans, et 10 ans plus tard ; le personnage est successivement joué par Alex R. Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes).
Comme dans But I’m a cheerleader, ce sont les personnes de son entourage qui se rendent compte de son homosexualité avant qu’il ne s’en rende compte lui-même. Il vit – ou plutôt tente de survivre – dans un milieu où règnent la violence, la drogue, et une injonction à la virilité donc à l’hétérosexualité. Le film s’attache à répondre à une question extrêmement compliquée : comment trouver sa place dans un milieu extrêmement défavorisé et fermé d’esprit lorsqu’on est un homme noir gay qui subit au quotidien une discrimination qui se manifeste avec une violence parfois insoutenable ?
Le plus : ce film est tellement fantastique qu’il est difficile de ne citer qu’un ou deux points positifs. Il parvient à s’extraire des clichés, il est touchant, courageux, osé. Jamais je n’avais vu l’homosexualité masculine mise en scène de manière si douce. Les personnages secondaires sont également très travaillés, qu’il s’agisse de la mère (Naomie Harris), du dealer qui prend Chiron sous son aile (Mahershala Ali) ou de la compagne de celui-ci (Janelle Monáe).
Pour en apprendre plus sur la communauté LGBT+ d’hier et d’aujourd’hui
Parce que ça fait du bien de savoir d’où l’on vient, et quelles ont été les luttes par le passé. Comment en est-on arrivé là, comment certains droits ont-ils été conquis, et à quel prix ?
Les incontournables
Paris is burning (Jennie Livingston, 1990) ; Philadelphia (Jonathan Demme, 1994) ; The celluloid closet (Rob Epstein, Jeffrey Friedman, 1996) ; Harvey Milk (Gus Van Sant, 2009) ; Les invisibles (Sébastien Lifshitz, 2013) ; Bambi (Sébastien Lifshitz, 2013) ; Pride (Matthew Warchus, 2014)
A (re)découvrir
When we rise (Dustin Lance Black, Gus Van Sant, 2017) : c’est une mini-série, à présent terminée – à mon plus grand désespoir. J’ai pleuré à chaque épisode. À chaque fucking épisode. Pas toujours de tristesse, parfois aussi d’émotion et de bonheur. Et pour qu’une série ou un film parvienne à me faire un tel effet, il faut un sacré niveau. La série, tirée de l’autobiographie de Cleve Jones du même nom, retrace les luttes des LGBT+ des années 1970 à l’ouverture du mariage pour tou·te·s dans certains États aux USA.
On suit sur 40 ans l’histoire de trois personnages principaux – entourés d’une ribambelle de personnages secondaires dont l’histoire n’est pas oubliée – qui militent pour une reconnaissance et des droits. Roma Guy, femme lesbienne, est impliquée dans le féminisme (de l’époque, donc hétérocentré) avant de commencer à militer dans une optique de convergence des luttes. Cleve Jones, jeune gay qui a fui sa famille et sa ville natale après un coming out loin d’être accepté par sa famille, débarque à San Francisco, et s’engage aux côtés de Harvey Milk (premier maire ouvertement gay d’une grande ville aux États-Unis).
Ken Jones, soldat afro-américain et gay, s’est battu au Vietnam et, une fois revenu aux États-Unis, défile pour les droits civiques et commence à fréquenter le quartier queer de San Francisco. Tou·te·s les trois luttent d’abord séparément, puis conjointement, ayant compris la nécessité de la convergence des luttes et d’une parole unifiée. Ensemble, iels traversent toutes les épreuves : émeutes post-Stonewall, l’arrivée du Sida, le racisme dans – ce qui va devenir – la communauté LGBT+, la misogynie chez les gays, l’homophobie chez les féministes, la lutte pour l’ouverture du mariage à tou·te·s. Et la précarité, encore et toujours.
La série n’est malheureusement pas (encore ?) disponible en français, mais tu trouveras une version sous-titrée sur tes sites de streaming préférés.
Le plus : je suis clairement amoureuse de cette série. C’est un excellent moyen d’en apprendre plus sur nos luttes historiques. C’est également une bonne piqûre de rappel : si aujourd’hui nous pouvons – en fonction, évidemment, du pays, du milieu social, etc. – vivre plus ou moins librement en tant que LGBT+, c’est grâce à des personnes comme elles. On ressort de la série avec une immense gratitude envers elles, et une envie irrépressible de prendre leur suite pour continuer le combat.
Gaycation (Ellen Page, Ian Daniel, 2016) : certain·e·s ont découvert Ellen Page dans Juno, d’autres lors de son discours de coming out en 2014 à l’occasion d’une conférence organisée par Human Rights Campain. Depuis 2016, elle fait le tour du monde avec son meilleur ami Ian Daniel afin de faire un état des lieux de la situation des personnes et des droits LGBT+. Législation, lieux queer, discrimination plus ou moins officielle, différence de tolérance en fonction des cultures : à chaque épisode, on a un bon aperçu de la situation des concerné·e·s dans les différents pays.
Il y a également deux épisodes spéciaux : l’un consacré à l’après Orlando, et un deuxième, diffusé fin avril, s’intéresse aux conséquences que pourrait avoir la présidence Trump sur la communauté LGBT+ et ses droits si chèrement acquis.
Le plus : la diversité des pays abordés (Japon, Brésil, Jamaïque, différents États des États-Unis, Ukraine, Inde, France) et le témoignage direct des concerné·e·s qui vivent dans ces pays-là. Ellen Page et Ian Daniel n’hésitent pas à leur laisser longuement la parole, ce qui donne un témoignage très précieux. J’ai personnellement appris beaucoup de choses. Les épisodes sont disponibles sur le site de Vice, certains également sur YouTube. Pas de traduction française pour l’instant, mais des sous-titres français.
Des séries à binge watcher en buvant des mojitos
Parce que le binge watching c’est la vie, tout simplement. Et que, même si c’est l’été, cela donne une bonne raison pour rester dans son canapé à s’enfiler des saisons entières. Sociabiliser ? Plus tard.
Les incontournables
The L Word (Ilene Chaiken, 2004-2009), Queer as folk (Ron Cowen, Daniel Lipman, 2000-2005), Orange is the new black (Jenji Kohan, depuis 2013), Sense 8 (Lilly et Lana Wachowski, 2015-2017)
A (re)découvrir
Faking it (Dana Min Goodman, Julia Lea Wolov, 2014-2016) : deux adolescentes au quotidien banal, et à la réputation au lycée inexistante, deviennent, sur un quiproquo, les deux filles les plus populaires de leur lycée, quelqu’un les ayant pris pour un couple lesbien. Elles décident alors d’en jouer, afin d’être enfin les filles populaires qu’elles ont toujours voulu être. Malheureusement, alors qu’Amy (Rita Volk) ne fait finalement pas semblant de « jouer à la lesbienne cool » et tombe amoureuse de Karma (Katie Stevens), cette dernière tente de séduire Liam (Gregg Sulkin), le beau-gosse du lycée.
On le voit au pitch, il s’agit d’une série pour adolescent·e·s. Mais c’est malgré tout une série qui possède de nombreuses qualités, en démontant par exemple systématiquement tous les clichés LGBT+-phobes communément admis. Entre deux histoires d’amour, on voit qu’un gay peut par exemple être biphobe, et donc que les cis hétéros n’ont pas le monopole des LGBT+-phobies. Un rappel nécessaire.
Par ailleurs, l’environnement de la série ne peut que faire rêver : bien qu’elle se déroule au Texas, leur lycée est très queer, et tout le monde est (presque) tolérant avec (presque) tout le monde. Les personnages sont très drôles, et évoluent de manière intéressante. Bref, une petite série qui allie l’utile à l’agréable, parfaite à binge watcher. Elle a malheureusement été annulée l’an dernier de manière inattendue, et se termine donc sans véritable fin.
Le plus : la grande diversité de la série. On y croise, de manière plus ou moins récurrente, des personnes racisé·e·s, des gays, des bi·e·s, une personne intersexe.
Transparent (Jill Soloway, depuis 2014)
Moira révèle un jour à ses trois enfants qu’elle est une femme transgenre. Ou plutôt, c’était son intention. Mais rien ne se passe comme prévu. Rien ne se passe jamais comme prévu dans cette série. Moira a eu trois enfants avec son ex-femme : Sarah, mère de famille plutôt classe et pas trop débordée qui retombe sur son ex copine alors que ça va mal avec son mari ; Joshua qui est – au départ – un véritable cliché du don Juan travaillant dans la musique, et pas franchement ouvert d’esprit ; Ali, qui multiplie les diplômes universitaires tout en vivant depuis des années aux crochets de ses parents, et qui se met soudain à s’interroger au sujet de son genre et de son orientation romantico-sexuelle.
On suit les histoires de cul, de cœur et de famille de cette constellation unique et en constante évolution. La série trace en même temps un portrait d’une société américaine qui s’ouvre peu à peu à la diversité : Moira est transgenre, Sarah est bie, Ali n’est finalement pas hétéro, etc. S’il est regrettable que le personnage de Moira soit joué par un homme cisgenre (Jeffrey Tambor), il faut néanmoins souligner que plusieurs personnages secondaires sont transgenres et joués par des personnes transgenres.
Une série pour rire souvent, avoir les larmes aux yeux parfois, et pour apprendre aux personnes cisgenres à sortir de la conception binaire homme/femme = pénis/vagin.
Le plus : tous les personnages principaux et une bonne partie des personnages secondaires sont juifs. La religion est souvent évoquée, et encore plus souvent tournée en ridicule, ce qui permet aux non concerné·e·s d’en savoir plus, et aux concerné·e·s de rire en reconnaissant les allusions. Et puis un des personnages principaux, Sarah, en plus d’être une femme sacrément sexy, est également une femme bie qui s’assume, et ça très plaisir.
Et pour finir, des films et des séries en vrac qui viennent de sortir ou vont bientôt sortir, et qui sont très prometteur·se·s : La Théorie du Y (websérie belge produite par la RTBF) Les Engagés (websérie produite par Studio 4) ; Embrasse-moi, romcom lesbienne produite par OcéaneRoseMarie ; Rara, film chilien réalisé par Pepa San Martin ; 120 battements par minute, réalisé par Robin Campillo et primé à Cannes.