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Nos conseils de livres militants

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Racisme &
Intersectionnalité

Roseaux, magazine féministe  Roseaux



Cet article fait partie du dossier "Nos conseils de livres militants".
Lorsque l’on cherche à en savoir plus sur une thématique militante en particulier, on peut vite se sentir perdu·e devant le nombre de livres existants. Par où commencer ? Quels sont les classiques ? Le contenu de ce livre m’est-il accessible, ou est-ce que je ferais mieux d’y revenir plus tard, quand j’en aurai appris plus sur le sujet ? Et comment adapter tout cela à mon budget ?
Nous t’avons concocté une sélection de livres abordant plusieurs sujets et oppressions systémiques. Ils sont classés par thème puis par difficulté, et pour chacun nous t’avons mis un résumé, le prix papier et le prix Kindle. Certains livres sont disponibles gratuitement en ligne, mais tu peux soutenir la maison d’édition en question en achetant quand même le livre, si ton budget te le permet.
Nous ne sommes évidemment pas d’accord avec 100 % du contenu de chaque livre, dont nous avons déjà abordé les aspects problématiques pour certains. Si une partie des livres présentés présentent des aspects problématiques, ils restent néanmoins intéressants et pertinents concernant leurs thèmes principaux.
Si tu penses à un livre que nous n’avons pas cité, tu peux nous le dire en commentaire ! Et si tu penses qu’on s’est trompées sur un livre, par exemple au niveau de la difficulté, tu peux également nous faire signe.
Pour chaque livre, nous avons mis le lien du site leslibraires.fr, un site qui permet d’acheter des livres en ligne dans des librairies puis de se les faire livrer, et ainsi de soutenir les librairies indépendantes.
Tu peux lire la liste n°1 sur le sexisme que nous avons publiée si tu ne l’as pas encore lue.

 

 

Racisme / Anti-racisme

 

FACILE

 

Alain Mabanckou : Le sanglot de l’homme noir

« Je suis noir, et forcément ça se voit. Du coup les Noirs que je croise à Paris m’appellent ‘mon frère ‘. Le sommes nous vraiment ? Qu’ont en commun un Antillais, un Sénégalais, et un Noir né dans le Xème arrondissement, sinon la couleur à laquelle ils se plaignent d’être constamment réduits ? J’ oublie évidemment la généalogie qu’ils se sont forgée, celle du malheur et de l’humiliation – traite négrière, colonisation, conditions de vie des immigrés…

Car par-delà la peau, ce qui les réunit, ce sont leurs sanglots.Je ne conteste pas les souffrances qu’ont subies et que subissent encore les Noirs. Je conteste la tendance à ériger ces souffrances en signes d’identité. Je suis né au Congo Brazzaville,j’ai étudié en France, j’enseigne désormais en Californie. Je suis noir, muni d’un passeport français et d’une carte verte. Qui suis-je ?J’aurais bien du mal à le dire. Mais je refuse de me définir par les larmes et le ressentiment. »

Ces souffrances qui réunissent les Noirs : traite négrière, colonisation, conditions de vie des immigrés… L’écrivain congolais ne nie pas ces souffrances, il s’insurge contre cette identité que les Noirs ont continué à cultiver après la décolonisation, celle du malheur et de l’humiliation. Le propos de Mabanckou est simple : ressasser le passé empêche de se projeter dans l’avenir : « Nous avons oublié que l’existence se construit en conjuguant nos verbes au présent ». Alain Mabanckou remet en cause l’entreprise folle de valorisation des valeurs nègres du passé et la volonté de porter les malheurs de l’Afrique devant le tribunal de la conscience avec comme accusé : le Blanc. C’est un sujet qui lui tient à coeur, lui qui est né au Congo-Brazzaville, a étudié en France et enseigne désormais en Californie.

Kindle : 15,3€
Broché : 6,49€

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MOYEN

 

Edward Saïd : L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident

D’Eschyle à Kissinger, de Marx à Barrès, l’Occident a tenu un discours sur l’Orient. Mais, puisque « l’Orient » n’existe pas, d’où vient ce discours et comment expliquer son étonnante stabilité à travers les âges et les idéologies ? « L’Orient » est une création de l’Occident, son double, son contraire, l’incarnation de ses craintes et de son sentiment de supériorité tout à la fois, la chair d’un corps dont il ne voudrait être que l’esprit. À étudier l’orientalisme, présent en politique et en littérature,dans les récits de voyage et dans la science, on apprend donc peu de choses sur l’Orient, et beaucoup sur l’Occident. Le portrait que nous prétendons taire de l’Autre est, en réalité, tantôt une caricature, tantôt un complément de notre propre image. L’idéologie orientaliste s’est échappée depuis longtemps déjà du cabinet des savants pour précéder Napoléon dans sa conquête de l’Égypte ou suivre la guerre du Liban. C’est de ce discours qu’on trouvera ici la magistrale archéologie, augmentée de la préface que l’auteur rédigea en 2003 pour le vingt-cinquième anniversaire de la publication originale de l’ouvrage.

Poche : 11,8€
Broché : 24,3€

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Frantz Fanon : Peau noire, masques blancs

La décolonisation faite, cet essai de compréhension du rapport Noir·e-Blanc·he garde toute sa valeur prophétique : car le racisme, malgré les horreurs dont il a comblé le monde, reste un problème d’avenir. Il est ici abordé et combattu de front, avec toutes les ressources des sciences de l’homme et avec la passion de celui qui allait devenir un maître à penser par beaucoup d’intellectuels du Tiers Monde.

Kindle : 2,5€
Poche : 9€
Broché : 25€

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Elsa Dorlin : La matrice de la race

La race a une histoire, qui renvoie à l’histoire de la différence sexuelle. Au XVIIe siècle, les discours médicaux affligent le corps des femmes de mille maux : « suffocation de la matrice », « hystérie », « fureur utérine », etc. La conception du corps des femmes comme un corps malade justifie efficacement l’inégalité des sexes. Le sain et le malsain fonctionnent comme des catégories de pouvoir. Aux Amériques, les premiers naturalistes prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour élaborer le concept de « race » : les Indiens Caraïbes ou les esclaves déportés seraient des populations au tempérament pathogène, efféminé et faible. Ce sont ces articulations entre le genre, la sexualité et la race, et leur rôle central dans la formation de la Nation française moderne qu’analyse Elsa Dorlin, au croisement de la philosophie politique, de l’histoire de la médecine et des études sur le genre. L’autrice montre comment on est passé de la définition d’un « tempérament de sexe » à celle d’un « tempérament de race ». La Nation prend littéralement corps dans le modèle féminin de la « mère », blanche, saine et maternelle, opposée aux figures d’une féminité « dégénérée » – la sorcière, la vaporeuse, la vivandière hommasse, la nymphomane, la tribade et l’esclave africaine. Il apparaît ainsi que le sexe et la race participent d’une même matrice au moment où la Nation française s’engage dans l’esclavage et la colonisation.

Broché : 23€

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Frantz Fanon : Les Damnés de la terre

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Editions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel.

Il a servi – et sert encore aujourd’hui – d’inspiration et de référence à des générations de militant·e·s anticolonialistes. Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d’un tiers monde révolutionnaire porteur d’un « homme neuf » restent un grand classique du tiers-mondisme, l’œuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.

Kindle : 3€
Poche : 11€

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Aimé Césaire : Discours sur le colonialisme

Publié en 1950, c’est-à-dire au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pendant celle de Corée et peu avant celle d’Algérie, le pamphlet d’Aimé Césaire est non seulement l’un des plus grands textes fondateurs de l’anticolonialisme mais aussi un violent réquisitoire contre le capitalisme et la bourgeoisie européenne. L’auteur du Cahier d’un retour au pays natal, à l’époque député membre du Parti communiste, y dénonce avec force la barbarie de cette bourgeoisie occidentale décadente qui trouva un exutoire en colonisant les pays du tiers-monde au nom d’une « civilisation » soi-disant supérieure, soumettant les peuples à l’oppression et à la haine, à la violence et à la destruction, à l’exploitation et au pillage, au racisme et au fascisme. Avec ce vibrant acte d’accusation aujourd’hui entré dans l’Histoire, le fondateur du mouvement littéraire de la Négritude fait le procès implacable, toujours actuel, d’une Europe « indéfendable ». À ceux qui sont aujourd’hui encore tentés de comptabiliser les aspects « positifs » de la colonisation, son pamphlet sonne comme un rappel.

Le Discours sur le colonialisme est suivi du Discours sur la Négritude, qu’Aimé Césaire a prononcé à l’Université Internationale de Floride (Miami), en 1987.

Kindle : 4,9€
Poche : 5,2€

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Achille Mbembe : Sortir de la grande nuit : Essai sur l’Afrique décolonisée

Dans cet essai critique, Achille Mbembe montre qu’au-delà du mélange de choses qui prévaut aujourd’hui, le mérite de la décolonisation africaine fut d’ouvrir sur une multitude de trajets historiques possibles. À côté du monde des ruines et de la destruction, de nouvelles sociétés sont en train de naître. La décolonisation africaine n’aura-t-elle été qu’un accident bruyant, un craquement à la surface, le signe d’un futur appelé à se fourvoyer ?

Dans cet essai critique, Achille Mbembe montre que, au-delà des crises et de la destruction qui ont souvent frappé le continent depuis les indépendances, de nouvelles sociétés sont en train de naître, réalisant leur synthèse sur le mode du ré assemblage, de la redistribution des différences entre soi et les autres et de la circulation des hommes et des cultures. Cet univers créole, dont la trame complexe et mobile glisse sans cesse d’une forme à une autre, constitue le soubassement d’une modernité que l’auteur qualifie d' »afropolitaine ». Il convient certes de décrypter ces mutations africaines, mais aussi de les confronter aux évolutions des sociétés post coloniales européennes ? en particulier celle de la France, qui décolonisa sans s’auto décoloniser ?, pour en finir avec la race, la frontière et la violence continuant d’imprégner les imaginaires de part et d’autre de la Méditerranée.

C’est la condition pour que le passé en commun devienne enfin un passé en partage.

Écrit dans une langue tantôt sobre, tantôt incandescente et souvent poétique, cet essai constitue un texte essentiel de la pensée post coloniale en langue française.

Kindle : 9€
Poche : 11€

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Toni Morrison : L’origine des autres

Essai sur les notions d’identité, de race et de pureté de race aux Etats-Unis ainsi que sur la façon dont la littérature utilise la couleur de peau pour décrire un personnage ou faire avancer un récit. Les réflexions de l’auteur gravitent autour de ses souvenirs, de l’histoire, de la politique et de la littérature.

Broché : 13€

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Toni Morrison : Playing in the dark

« Toni Morrison donna à l’université de Harvard une série de conférences sur le roman américain qui sont à l’origine de Playing in the dark. Elle analyse le rôle attribué au personnage noir, et la place qui lui est réservée dans les œuvres de Melville, Twain, Willa Cather, Poe, Hemingway…, écrites pour des lecteurs à peu près toujours identifiés à des Blancs. Toni Morrison apporte un éclairage nouveau et très personnel sur la fiction américaine, et, plus généralement, sur la manière dont s’est constituée l’identité blanche américaine au fil de l’histoire littéraire.
« Qu’arrive-t-il à l’imagination textuelle d’un auteur noir, qui reste à un certain niveau toujours conscient de représenter sa propre race devant, ou malgré, une race de lecteurs qui se pense comme « universelle » ou sans race ?  » demande-t-elle. »

Broché : 5,5€
Poche : 4,5€

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W. E. B. Du Bois : Les Ames du peuple noir

« Le problème du XXe siècle est le problème de la ligne de partage des couleurs. » Telle est l’intuition fondamentale de Du Bois dans Les Âmes du peuple noir, oeuvre majeure de la littérature nord-américaine. Dans ce recueil d’essais publié en 1903, Du Bois évoque avec une puissance inégalée l’étendue du racisme américain et donne à voir au monde la réalité de l’expérience quotidienne afro-américaine dans l’Amérique de la ségrégation. Cette nouvelle traduction montre, inscrits dans la langue, tous les enjeux philosophiques d’un texte qui se veut également « littéraire ». L’écriture élégante et passionnée de Du Bois tisse les souvenirs autobiographiques et les paraboles épiques avec les analyses historiques et sociologiques, construisant ainsi l’unité culturelle et politique du peuple noir à partir de la multiplicité de ses âmes individuelles. Les Âmes du peuple noir a inspiré l’essentiel de la conscience collective noire et des mouvements en faveur des droits civiques dans les années soixante, et continue d’avoir un retentissement considérable au sein de la communauté afro-américaine et au-dehors.

Poche : 13€

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Intersectionnalité

 

MOYEN

 

Angela Davis : Femmes, race et classe

« Le système esclavagiste définissait les Noirs comme une marchandise humaine. Puisque les femmes étaient considérées comme des unités de travail productrices de profit au même titre que les hommes, leurs propriétaires ne faisaient aucune différence entre les sexes. Un universitaire affirme : « La femme esclave était la servante perpétuelle de son propriétaire et, fortuitement, épouse, mère et femme au foyer. » Si l’on se réfère aux tendances de la nouvelle idéologie de la féminité au XIXe siècle, la glorification des mères nourricières, douces compagnes et maîtresses de maison, transformait les femmes noires en anomalies. » »

Broché : 15€

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Bell Hooks : Ne suis je pas une femme

« Ne suis-je pas une femme ? », telle est la question que Sojourner Truth, ancienne esclave, abolitionniste noire des Etats-Unis, posa en 1851 lors d’un discours célèbre, interpellant féministes et abolitionnistes sur les diverses oppressions subies par les femmes noires : oppressions de classe, de race, de sexe. Héritière de ce geste, bell hooks décrit dans ce livre devenu un classique les processus de marginalisation des femmes noires et met en critique les féminismes blancs et leur difficulté à prendre en compte les oppressions croisées.

Broché : 22,50€

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Françoise Vergès : Le ventre des femmes : Capitalisme, racialisation, féminisme

Dans les années 1960-1970, l’état français encourage l’avortement et la contraception dans les départements d’outre-mer alors même qu’il les interdit et les criminalise en France métropolitaine. Comment expliquer de telles disparités ? Partant du cas emblématique de La Réunion où, en juin 1970, des milliers d’avortements et de stérilisations sans consentement pratiqués par des médecins blancs sont rendus publics, Françoise Vergès retrace la politique de gestion du ventre des femmes, stigmatisées en raison de la couleur de leur peau. Dès 1945, invoquant la « surpopulation » de ses anciennes colonies, l’état français prône le contrôle des naissances et l’organisation de l’émigration ; une politique qui le conduit à reconfigurer à plusieurs reprises l’espace de la République, provoquant un repli progressif sur l’Hexagone au détriment des outre-mer, où les abus se multiplient. Françoise Vergès s’interroge sur les causes et les conséquences de ces reconfigurations et sur la marginalisation de la question raciale et coloniale par les mouvements féministes actifs en métropole, en particulier le MLF. En s’appuyant sur les notions de genre, de race, de classe dans une ère postcoloniale, l’auteure entend faire la lumière sur l’histoire mutilée de ces femmes, héritée d’un système esclavagiste, colonialiste et capitaliste encore largement ignoré aujourd’hui.

Kindle : 13,90€
Broché : 20€

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 Voilà, nous espérons que cette liste t’a plu, rendez vous mercredi prochain pour la prochaine liste sur le classisme et la luttes des classes.




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