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Manifeste

pour

une fin

de la

malbaise

or how I Learned To Stop Worrying And Love The B*

Roseaux, magazine féministe  Janna B.



Ça me fait vraiment rigoler, cette notion de mal baisée (oui, le terme est toujours au féminin). Comme si la fâme était forcément passive et même pas capable d’être coupable des dysfonctionnements érectiles de son partenaire (oui, le partenaire est forcément un homme, pour celleux qui parlent de malbaise). Parfois bien baisable, souvent mal baisée, jamais trop baisante, la fâme n’y est pour rien, tu sais bien : le sexe n’est pas de son ressort. Je vais t’apprendre un secret : si une femme est désagréable avec toi, c’est pas parce que tu es naze au lit, c’est parce que tu es naze tout court.

Ceci étant posé, depuis que j’ai avalé la fameuse pilule bleue du militantisme féministe, je dois te faire un aveu : je baise vachement mieux. Pas “mieux” au sens performatif du terme, non. “Mieux” dans le sens où ma vie sexuelle est mille fois plus cool – et celle de mes partenaires aussi. Et comme je suis sympa, je vais même te raconter pourquoi la féministe (car la féministe, tout comme la fâme, est une et indivisible, c’est bien connu) n’est pas, et très, très loin de là, une mal baisée.

Le consentement, c’est sexy

Ça a l’air d’aller de soi, il paraît : le sexe c’est forcément mieux quand c’est consenti. Et attention, je parle de consentement évident, exprimé, affirmé, le vrai oui, celui où tu es sûr·e-sûr·e que taon partenaire a envie de te pécho contre un mur autant que toi parce qu’iel te l’a dit. J’ai découvert la notion de “zone grise” il y a quelques années, et ça m’a pas mal fait réfléchir. La zone grise, c’est ce moment où t’as pas vraiment dit non, mais t’as pas vraiment dit oui.

T’as moyen envie, mais tu y vas quand même parce que tu ne voudrais pas lea décevoir, tu ne voudrais pas passer pour un·e coincé·e, pour un·e allumeur·euse, t’es déjà à poil, tu crois que c’est déjà trop tard, qu’est-ce que ça te coûte. On y est toustes passé·e·s. Et ça marche dans les deux sens, tu sais : c’est si facile de demander à l’autre son accord ! Le sexe, c’est bien, mais c’est intime, c’est perso, c’est vécu parfois difficilement parce qu’on a toustes une histoire, certain·e·s d’entre nous ont même une histoire terrible et un bagage gros comme le Brésil à trimballer.

Je le rappelle comme ça : 16 % des femmes ont déjà été victimes de viol au cours de leur vie. Si je te rajoute qu’un viol sur 3 est commis par le conjoint, tu vois où je veux en venir ? Ne. Sois. Pas. Ce. Conjoint.

Souvent, on parle de ces situations dans les milieux militants, on essaye de savoir si on peut éviter ça, on essaie de chercher comment établir des relations plus saines, sans violence, sans agression, tu sais, des relations avec du respect, et on sait bien qu’on ne peut pas toujours éviter ça, parce que les victimes n’y sont pour rien, si iels tombent sur une personne qui s’en fout, qui oublie, qui croit que c’est pas grave, qui se dit que c’est normal, qui trouve des excuses.

Mais toi, là t’es pas comme ça hein ? Tu sais comment tu peux le prouver ? En demandant à taon partenaire à chaque. Purin. De. Fois.

Ça te semble contraignant ?

Non, hein, c’est pas contraignant. En tout cas, à côté d’un rapport pas vraiment consenti, c’est pas franchement comparable. Alors faites-en un truc sexy. Tu aimes, quand je fais ça ? Ça t’excite toujours, ce truc ? J’ai envie, et toi ?

Une fois que c’est devenu une habitude, on fait vite, vite le tri entre les partenaires. Je préfère ne pas baiser du tout que baiser avec quelqu’un·e qui ne me respecte pas assez pour me demander mon avis avant. C’est facile à dire, et évidemment je parle ici des situations normales, celles de la fameuse “zone grise”, celles où on a choisi d’être un peu nu·e avec quelqu’un·e, on est bien d’accord.

Le sexe protégé, c’est cool
(et c’est l’affaire de tou·te·s)

Maintenant qu’on a posé la base, tu sais quoi ? Le sexe, c’est bien, le safe sex, c’est mieux. Et le mieux n’est PAS l’ennemi du bien ici. Celleux qui me fréquentent au quotidien savent à quel point j’ai une passion pour les choses de la contraception en général, et mes partenaires n’échappent pas à la conversation.

Depuis que j’ai compris que ce n’était pas à moi d’attendre que le mec (quand c’est un mec) apporte son petit paquet de capotes pendant que je gère mon stérilet en priant pour qu’il n’ait pas un papilloma à me refiler, je respire. N’aie jamais peur d’aborder le sujet, de prendre tes responsabilités (coucou les gens, ne pas dire à quelqu’un·e qu’on a de l’herpès ou un autre truc beaucoup moins cool, c’est pénalement répréhensible).

Depuis que je milite, je suis beaucoup plus à l’aise avec le fait d’aborder franco ce genre de questions. Parce qu’elles sont légitimes. Dans le cas d’un rapport cis-hétéro avec pénétration, par exemple, je déroule mon CV contraceptif, histoire de prévenir. J’interroge.

Je fais confiance, aussi, par principe – mais jamais à un coup d’un soir où à une première fois. J’achète des capotes. Si tu crois qu’elles seront pas à ta taille, t’avais qu’à apporter tes outils, Babar. On baisera pas ce soir, tant pis, hein, et arrête de te la péter, moi je mets ma jambe jusqu’au genou dans le format standard.

Et une fois qu’on a réglé les questions qui fâchent, crois-moi, on rigole beaucoup plus sur la couette (non mais qui baise sous une couette, sérieusement ?).

Si l'on a un doute, il est possible de se rendre dans un CeGIDD (Centre Gratuit d'Information, de Dépistage et de Diagnostic) pour un dépistage anonyme gratuit des IST et MST dont on peut être atteint·e. On peut être porteur·euse d'une infection ou d'une maladie sans que celle-ci se manifeste : il est recommandé de faire des dépistages réguliers si on en a la possibilité.
Pour parler de contraception, rien de tel qu'un·e soignant·e bienveillant·e : le site collaboratif Gyn&Co recense les soignant·e·s de France selon des critères définis (non grossophobes, non LGBT+phobe, pose de stérilet aux nullipares, accès facile aux personnes handicapées, etc)

Ni frigides, ni salopes

On en a déjà parlé ici, mais je tiens à le redire : il n’y a pas de norme en matière d’envies. Il y a des gens qui n’ont pas envie de sexe, jamais, ce ne sont ni des aliens, ni des anormaux. Respecte ça. Et respecte aussi celleux qui aiment le sexe. Surtout celles qui aiment le sexe. Il y a aussi, beaucoup, des gens qui ont envie des fois, des fois pas. C’est normal hein, c’est comme pour tout le reste. Le genre ne détermine pas la quantité respectable des envies. Tu me copieras ça cent fois.

Arrête d’avoir peur parce que ta partenaire n’a pas eu envie de faire l’amour plusieurs fois de suite. Arrête de compter, il n’y a pas de norme. Il n’y a pas de “quand on a 20 ans, il faut faire l’amour au moins 4 fois par semaine”, c’est absurde et tu le sais. L’âge n’a rien à voir non plus. Repose ce Biba sur la table, fais-le pour toi, je t’en prie. La pipe ne sera jamais le ciment du couple.

Ça arrivera dans ta vie : parfois tu traverseras des phases de disette, tu trouveras ça terrible, tu te demanderas si tu es toujours désirable, tu te demanderas s’il y a quelqu’un·e d’autre, tu en perdras un peu de ta bonne humeur, et tout ça pour pas grand-chose. Ça arrivera et tu y survivras et ça ne sera pas si terrible, je te le promets. Un jour, tu apprendras que rien n’est bien grave en matière de désir, que rien n’est propice au jugement, ni ta vie sexuelle ni celle des autres. Et tu verras, tu les kifferas, tes parties de baise. Parce qu’elles viendront quand vous deux en aurez envie. Ça aussi, c’est des années de déconstruction qui me l’ont appris.

Une fois qu’on a désacralisé le sexe (ce n’est que du sexe, relax), tout en lui reconnaissant sa valeur d’acte assez unique en ce qu’il a d’intime, d’intense et de grisant, en lui enlevant sa dimension performative (oui, deux minutes, c’est très bien, non, la pénétration n’est pas un passage obligé), on peut enfin en arriver au Graal : le sexe joyeux.

Apprendre à aimer mon corps, ses particularités, ses capacités incroyables, ça m’a appris à appréhender ma propre sexualité avec tellement d’apaisement qu’il ne me reste plus de place pour la gêne. J’ai des vergetures et j’aime me balader à poil et danser en chaussettes. J’aurais pu trouver mon point de joie ailleurs, dans un rapport plus pudique ou réservé. J’aurais pu le trouver dans des dimensions plus extrêmes, des pratiques plus intenses. Chacun·e est libre. Le sexe joyeux, c’est la liberté totale – celle qui s’arrête là où commence celle de l’autre. Et ça, c’est au féminisme que je le dois.





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