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Avorter pendant le confinement Roseaux, magazine féministe  Janna B.



Cet article fait partie du dossier "Témoignages de confinement".
CW : Descriptions d’interventions chirurgicales, mentions d’IVG

Alors que le monde est en crise sanitaire, les personnes munies d’un utérus se demandent si un de leur droit les plus fondamentaux va pouvoir être assuré par le gouvernement. Confiné·e·s depuis le 17 mars, ce n’est que presque un mois après, le 15 avril, que le délai de l’IVG médicamenteuse est rallongé de 7 à 9 semaines. La prise en charge liée à la procédure d’IVG médicamenteuse (accompagnement par un·e soignant·e, consultation de contrôle) peut désormais se faire par téléconsultation.

Avec cette mesure, la loi du 23 mars limitant tous les déplacements pour lutter contre la propagation du Covid-19 n’entre plus en contradiction avec l’accès à l’IVG. Pourtant, une procédure d’IVG médicamenteuse à domicile reste une expérience violente pour le corps et qui n’est pas toujours efficace. Il existe en effet un pourcentage faible que l’expulsion ne se fasse pas, ce qui implique alors de procéder à une IVG par aspiration, laquelle doit être effectuée à l’hôpital.

Cette solution du gouvernement pour faciliter l’accès à l’IVG durant la crise sanitaire n’est malheureusement pas en phase avec la réalité d’une IVG médicamenteuse. Bien que ce soit une avancée pour le droit des femmes et de toutes les personnes ayant un utérus, nous sommes encore loin d’une prise en charge optimale pour leur santé. En effet, l’accompagnement psychologique et le suivi médical ne sont pas les mêmes par téléconsultation.

Au-delà de l’aspect purement médical, cette mesure du gouvernement ne doit rester qu’une solution et non une obligation. Pratiquer une IVG doit pouvoir se faire dans les conditions de son choix, chez soi ou à l’hôpital. Il semblerait pourtant que la situation incite plus souvent à le faire chez soi, ce qui peut être une bonne chose, à condition que cela soit choisi.

Par ailleurs, le délai d’avortement par aspiration ou IVG chirurgicale reste inchangé, jusqu’à la fin de la 12ème semaine de grossesse, soit 14 semaines après le 1er jour des dernières règles. L’avortement par aspiration nécessite une intervention à l’hôpital, ce qui implique obligatoirement une sortie. Pour certaines personnes, une sortie médicale est possible et une intervention chirurgicale est donc possible dans ce délai.

Mais pour d’autres, des personnes par exemple mineures ou dans des situations familiales compliquées, ou tout simplement pour celleux qui ne souhaitent ou ne peuvent pas en parler à leur entourage, une sortie est impossible durant ce confinement. Des personnes mineures qui pouvaient se rendre au planning familial sur le chemin du lycée sont réduites à attendre sans être prises en charge. Les gynécologues s’inquiètent de la baisse des prises de rendez-vous, car il n’est pas certain que le nombre de grossesses non désirées suive la même baisse. Ainsi, ne pas prolonger ce délai d’IVG chirurgicale représente un obstacle pour le droit d’accès à l’IVG.

La fermeture des frontières due à l’épidémie réduit aussi la possibilité de partir à l’étranger pour pratiquer une IVG si les délais en France sont dépassés. Certains médecins sont prêts à se mettre hors-la-loi pour que les personnes puissent avoir accès à l’IVG dans des conditions qui ne les mettent pas en danger. À ce jour, la décision du gouvernement a permis d’améliorer ces conditions en apparence mais ne répond toujours pas à l’accompagnement psychologique et médical nécessaires pour une procédure d’IVG médicamenteuse. Derrière cette action se joue encore un dilemme moral sur cette intervention encore très controversée aujourd’hui. Beaucoup n’y sont pas favorables et ne considèrent pas l’accès à l’IVG comme un droit intangible, bien qu’il soit une loi.

En effet, la crise du Covid-19 servirait encore de prétexte pour dissuader les personnes d’avoir recours à l’IVG. Les hôpitaux débordant déjà de malades, aller à l’hôpital pour pratiquer une IVG relève de la prise de risques «  inutile  ». La précarité dans laquelle ces personnes sont mises est notamment dûe au manque d’information sur la prise en charge. Sous couvert d’être des sites d’informations, certains sites incitent à ne pas avorter. Au climat anxiogène actuel s’ajoutent des détracteurs de l’accès à l’IVG qui profitent de la situation pour faire peur, ou faire culpabiliser.

Si l’urgence est de réduire la pandémie, le statut des femmes et de toutes les personnes ayant un utérus est encore relégué au second plan, car iels constituent encore une minorité et bénéficient en dernier des mesures quand tout est mis en place pour faciliter la vie des citoyens, et beaucoup vont souffrir de ce manque de prise en charge.

Pour aller plus loin  : 

https://www.madmoizelle.com/rallongement-delai-avortementmedicamenteux-coronavirus-1049842 

http://www.slate.fr/story/189222/ivg-coronavirus-epidemie-urgences-confinement-respect-loi-interruption-grossesse

https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/32017-Confinement-avortement-l-IVG-soin-d-urgence

https://ivg.gouv.fr/avortement-quels-sont-les-delais-a-respecter-pour-avorter.html





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