Santé Témoignages
Troubles obsessionnels compulsifs et confinement Roseaux, magazine féministe  Aude Nasr



Cet article fait partie du dossier "Témoignages de confinement".
Je souffre d’anxiété et de tocs (troubles obsessionnels compulsifs). Enfin, cela dépend des périodes de ma vie. Pendant des mois, j’allais mieux et je vais plus ou moins bien pour le moment. Quand j’étais au plus mal, j’avais des tocs assez présents qui me donnaient l’impression de perdre pied, et surtout d’être folle à travers le regard des autres.

Le raisonnement derrière mes pensées obsessionnelles est difficile à définir. Par exemple, je pouvais me laver les mains plusieurs fois de suite, laver des surfaces plusieurs fois de suite parce que je pensais avoir laissé un centimètre carré sale à droite alors je recommençais, mais une autre surface n’avait pas été nettoyée à gauche. Donc je relavais à l’infini sans me rendre compte qu’il n’y avait plus vraiment de problème.

C’est comme si mon cerveau suivait juste l’action précédente et oubliait qu’au final, tout avait été lavé. Je voulais éviter tout risque, sans arrêt : je ne mangeais pas tel aliment car il donne le cancer, j’avais peur de me déplacer en voiture ou en train car j’avais entendu l’histoire d’un accident un jour, j’avais peur de prendre un médicament, peur des catastrophes naturelles, peur de tout, à l’excès. Je ne savais plus vivre.

J’ai appris à lâcher prise, je vais mieux grâce à la méditation, grâce à un suivi psychologique et un traitement médicamenteux. Pendant ce confinement, je vais relativement bien (par rapport à ce que j’ai déjà connu). Cependant, c’est très étrange de voir tout le monde agir comme je le faisais pendant mes crises, alors qu’avant mes proches pouvaient rire gentiment de mes tocs. C’est comme une folie générale (pas que ça ne soit pas justifié). Tout le monde agit comme ça, tout d’un coup. C’est dur, car j’ai travaillé sur moi-même pour perdre tous ces tocs, réapprendre que tout n’est pas dangereux. J’ai appris à accepter l’anxiété en moi, mais que je ne devais pas l’écouter constamment, et aussi que la vie est jolie parfois.

La situation actuelle déconstruit tout ce que j’ai tricoté moi-même dans mon esprit. Cela me donne l’impression que j’avais raison d’avoir toutes ces précautions excessives. Alors que c’est faux. Vivre ainsi, ce n’est pas une vie et le lâcher-prise (cette expression m’horripilait quand j’allais mal) est une solution. Ce n’est pas parce qu’il y a un virus qui circule que cela justifie de tout laver frénétiquement et que mon esprit a raison de retomber dans toutes sortes de tocs.

 

Pourtant, mon esprit s’y accroche à nouveau : « Tu vois ? J’avais raison. Toutes les catastrophes que j’imaginais se réalisent. » C’est comme si la situation actuelle venait de mes plans catastrophiques, tissés dans mon esprit les jours difficiles. Le fait d’avoir souffert de nombreuses périodes sombres dans ma vie m’a appris beaucoup de choses, j’ai développé des stratégies, des compétences, de la résilience et beaucoup de réflexion. Maintenant que je vais mieux, je profite de chaque petit plaisir de la vie et je ne prends rien pour acquis. Je me sens toujours si reconnaissante d’aller bien.

Cette période est difficile pour tout le monde et j’envoie toutes ma compassion aux personnes souffrant de troubles psychologiques actuellement, ou qui en ont souffert dans le passé. J’espère que peu de personnes développeront des problèmes psychologiques pour la première fois à cause de la situation.

Nous ne pouvons pas vraiment avoir de suivi psychologique pour le moment. Nous ne pouvons pas aller nous promener, faire du sport, voir nos ami·e·s… toutes ces activités qui peuvent diminuer le stress. Le confinement risque d’aggraver la santé mentale de tous·te·s.

Dans notre société, on considère souvent la santé mentale comme quelque chose d’accessoire ou pire, quelque chose dont on a pleinement le contrôle. Et même si on peut y travailler, celleux qui en souffrent n’en sont pas responsables. Pour celleux qui ont besoin de l’entendre en ce moment : non, ce n’est pas de ta faute.

Les réseaux sociaux n’aident pas non plus. Ce n’est pas grave si on a besoin d’échappatoire, si on mange du chocolat, si on n’est pas productif·ve·s, si on n’a pas lu tous les livres prévus, si on ne s’améliore pas en cuisine, si on grossit, si c’est toujours mal rangé chez nous. Ne nous laissons pas avoir par les mises en scène des réseaux sociaux.

Prenons soin de notre santé mentale, écoutons-nous nous-mêmes. J’envoie toutes mes pensées positives aux personnes qui vont mal. Beaucoup de selflove !

Tu es en première ligne face à la crise (à l’hôpital, dans un EHPAD, etc.) ? Ton travail t’oblige à sortir (caissier.e, éboueur.se, TDS, etc.) ? Tu es confiné.e avec un conjoint violent ? Tu es à haut risque (personne âgée, maladie chronique / auto-immune, etc.) ? Vous êtes nombreux.ses dans un petit appartement et/ou dans un logement insalubre ? Tu es (encore plus) en précarité financière ? Tu as des troubles psys ? Tu es une personne dépendante ? Tu es parent célibataire ? Tes enfants souffrent de la fracture numérique et sociale ? Tu es enceint.e ? Tu as des addictions ? Tu as subi des violences policières ?

Ecris-nous à contact@roseaux.co ! La forme est libre, et ne te préoccupe pas trop de la grammaire et de l’orthographe, on s’en chargera. Parle-nous de ton quotidien, de tes difficultés, fais-nous part de ta colère. Ta voix mérite d’être entendue.




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