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La DT thérapie, ou les dérives de la médecine alternative Roseaux, magazine féministe  Janna



Parmi la multitude de thérapies alternatives qui pointent leur nez ces dernières années, j’ai testé la DT thérapie, ou « détachement des traumatismes ». On vous promet que quel que soit votre problème, il peut disparaitre en une séance. Je vous raconte mon expérience.

Selon le site de la “révolution thérapie”, le DT, ou détachement des traumatismes, est une technique thérapeutique révolutionnaire créée par Martine Clavelli, une coach en développement personnel. Il s’agirait de « déprogrammer et de désactiver définitivement des ressentis négatifs » à l’aide de différentes techniques et notamment d’hypnose. Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sur le site que partage la « thérapeute » avec qui s’est déroulée ma séance. Bien sûr, cela peut sembler légèrement tiré par les cheveux, alors pourquoi j’y suis allée ?

Je voudrais commencer par dire que je suis plutôt intéressée par tout ce qui touche à la médecine alternative et au spirituel. Sans y croire vraiment, il m’arrive d’être étonnée par l’efficacité de certaines méthodes. Mais parfois, des personnes qui se disent thérapeutes peuvent s’avérer dangereuses. Celle que je suis allée voir, c’est la petite amie d’un de mes collègues. Nous nous rencontrons chez moi, un verre de vin à la main.

Elle me parle de sa formation de thérapeute DT, et me propose une séance. J’accepte par pure curiosité. Il faut savoir que je suis allergique au pollen depuis l’enfance et le traitement que je m’apprête à entamer s’étale sur trois ans, avec seulement 70 % de chances de réussite. Alors, l’idée que cela puisse disparaître en une seule séance me laisse dubitative. Un mois après, sa formation terminée, je reviens vers elle pour prendre rendez-vous.

Quand j’arrive, Nicole (le prénom a été modifié) me tend trois feuilles de papier sur lesquelles je dois écrire mon nom, prénom, adresse ainsi que la raison de ma venue, mes faiblesses dans la vie et, sans transition, ce que m’évoque le cochon, la vache, le cheval, le rat et le chat. La séance se déroule dans son appartement. Je prends le temps d’observer la décoration, il y a pas mal de plantes. C’est assez chaleureux. Elle, par contre, est très froide. Je la sens stressée, elle essaye tant bien que mal de se mettre dans son rôle de thérapeute. Bien sûr, je comprends et je reste en retrait. Débuter son activité n’est jamais facile.

 

L’important ici, ce n’est pas ce que je pense

En récupérant mes fiches, elle s’étonne que mon nom et prénom ne soient pas les mêmes que sur Facebook. Je lui explique la naturalisation à la française : l’état nous propose de changer notre nom à consonance étrangère pour quelque chose de plus passe-partout. De but en blanc, elle affirme qu’on est défini par notre nom et que tant que je n’aurais pas retrouvé mon nom de naissance, je ne pourrais jamais être moi-même. Je trouve ça blessant : après tout, on ne se connait presque pas et elle pense m’avoir cernée juste avec mon prénom.

Puis elle me tend un ouvrage, me demande de le lire à la page indiquée et d’écrire ce que ça évoque en moi. Elle sort, pour me laisser de l’intimité je suppose. Je commence la lecture et j’ai l’impression d’être tombée sur quelque chose d’ordre sectaire. Mes allergies seraient dues au fait que je rejette ce qui se passe autour de moi, particulièrement ma sexualité. Je ris jaune. Ce type d’association me parait absurde. Sans compter que l’auteur cite notamment un homme qui n’aime pas son travail et devient donc allergique au bouleau. Rien ne résonne en moi dans cet amas de suppositions plutôt grotesques mais je m’efforce de trouver quelque chose à noter.

Enfin, on arrête la partie « devoirs ». Force est de constater que cette première heure a consisté pour moi à écrire et pour elle à sortir / entrer dans la pièce. Il y a eu très peu de dialogue. Après avoir lu mes fiches, elle dresse un portrait de moi basé uniquement sur les faiblesses que j’ai listées plus tôt. Je suis sidérée par un tel manque de tact, elle me demande si ça me parle, je dis « oui, mais… ». Elle passe abruptement à autre chose. De toute évidence, l’important ici ce n’est pas ce que je pense. L’important, c’est que sa séance se déroule comme on le lui a enseigné durant sa formation.

 

« Maintenant tu ne bouges pas, ici c’est moi qui décide »

En réalité, jusque-là, je trouve ça lourd mais plutôt rigolo. Le cauchemar commence quand on passe à la partie « pratique ». Elle me demande de m’asseoir sur un fauteuil en cuir et de fermer les yeux. Et là, sans prévenir, le premier coup arrive. Elle me tape sur les genoux avec deux petits marteaux. Il faut savoir qu’à aucun moment elle ne m’a parlé de douleur physique, ni avant, ni pendant la séance. Je n’ai donc pas eu l’occasion d’y consentir. C’est extrêmement douloureux. Je subis, et je vais finalement subir jusqu’à la fin de la séance. Et ça dure. Au bout d’une dizaine de minutes, je lui demande d’arrêter. Elle arrête quelques secondes, puis reprend.

J’ai dans la main des feuilles, des graines et des écorces de bouleau. Je dois les sentir pour lui dire à quel point je me sens allergique, sur une échelle de 0 a 10. Évidemment, j’ai les yeux qui grattent, la gorge serrée et envie d’éternuer. Elle utilise toujours les mêmes mots : « yeux qui pique, nez qui gratte ». C’est comme ça qu’elle essaye de m’hypnotiser, là encore sans jamais avoir obtenu mon consentement. Je comprends rapidement que la séance ne prendra fin que lorsque cette sensation aura atteint 0. N’étant pas à l’aise avec le mensonge, je lui demande à nouveau d’arrêter à plusieurs reprises.

Puis, à bout, je retire mes jambes, qu’elle reprend de manière violente en me disant : « Maintenant tu ne bouges pas, ici c’est moi qui décide. » Je lui dis que je suis énervée car elle doit respecter mon consentement. Mais elle me rétorque qu’en tant que thérapeute, elle ne peut pas me laisser partir, sinon je ne guérirai pas et ce sera de sa faute. Je menace de sortir de l’appartement et elle commence à me taper sur les clavicules avec les marteaux. La douleur est moins tenace et mon corps est tellement épuisé que je commence presque à planer. Pour mettre fin à ce calvaire, je lui dis que je ne me sens plus allergique, et en sentant ces morceaux de bouleau, je tente de retenir ma respiration pour ne pas éternuer. Apparemment elle y croit et arrête de me frapper une demi-heure après.

« Je te souhaite une belle déprogrammation »

À nouveau à son « bureau » (sa table à manger), elle me demande quand aura lieu la prochaine séance – au départ, elle m’avait demandé de m’engager pour trois séances. Je refuse en prétendant que c’était trop intense émotionnellement, la paye et lui donne un pourboire par automatisme. Elle m’annonce en grande pompe que j’ai vaincu mes allergies. J’ai peur de ne jamais sortir de cet appartement. Finalement, je suis dehors. Je sens que j’ai vécu quelque chose de scandaleux, mais je n’arrive pas à mettre les mots dessus. Le lendemain, après avoir débriefé ce qu’il s’est passé avec différentes personnes, je me décide à lui envoyer un message. Je veux lui raconter mon vécu parce que je pense sincèrement qu’elle peut être dangereuse pour ses « patient·e·s ». Je lui explique ce que j’ai ressenti pendant la séance et ses réactions m’ont laissée sans voix :

Cette séance a été problématique à plusieurs niveaux : l’absence de consentement, l’affirmation de guérison sans aucune preuve (ce qui peut entrainer des conséquences graves pour les allergies les plus sévères), le manque de remise en question de sa pratique par la suite. Sans suspens, je ne suis pas guérie. Je ne suis pas moins allergique qu’avant. Par contre, j’ai compris que je ne dois pas accepter tout et n’importe quoi sous prétexte que la personne se dit thérapeute, que c’est la compagne d’un collègue, et que je l’ai payé. Après tout, les méthodes miracles deviennent des nids à traumatismes quand on tombe sur la mauvaise personne.

Le bien-être psychique et physique de nombreux individus étant en jeu, il est important d’ouvrir le dialogue sur les dérives des thérapies alternatives. Comme celles-ci n’exigent pas un parcours médical traditionnel (études de psychologie ou de psychiatrie), des cas de maltraitance peuvent arriver. De plus, ces thérapies ont une fâcheuse tendance à se mêler au spirituel, ce qui crée un terrain favorable à tout type de manipulations. Je crois sincèrement qu’il faut qu’on se batte pour que ces « thérapeutes » blessent le moins de monde possible. Nous pouvons tou·te·s agir à notre niveau : en parler à notre entourage, sur les réseaux sociaux ou porter plainte si ça va trop loin. On mérite tou·te·s un·e thérapeute qui comprenne la base des relations humaines : NON c’est NON !





14 commentaires

Georgia Iman Metoui Grenet

bonsoir
merci pour ce récit, j’allais me faire avoir il faut que je décommande mon rdv tél avec ces cinglées.
Tu aurais pu te retourner contre cette personne complètement irrespectueuse de ton corps, ton intimité, tes émotions; elle aurait pu te faire plonger dans un dépression post trauma, c’est très grave. Aucune science aucun savoir, j’ai halluciné en te lisant, on doit tjs demander le consentement du patient avant tel ou tel acte!!! Et puis drôle de manière de tout en général! La détresse des gens c’est ce qui fait leur business ils n’iront pas loin comme cela.

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chjumelle

Très bien ce témoignage, aucune écoute aucun respect, des interprétations….au nom d’un « savoir faire et être » ???!!! Oui c’est grave et conséquent très destructeur non seulement pour le « patient » mais aussi pour les professionnels qui exerce parfaitement leur métier voir vocation, car il y en a et je suis parmi celles qui ne font pas de promesses sur les documents écris car chacun a son propre rythme, sa propre histoire et je ne laisse aucune place à l’interprétations. Oui des gens dangereux nourrissent une image faussée d’une profession délicate et précieuse qu’est celle de l’accompagnement. Merci de votre témoignage. ..

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    Louison

    Merci pour ton témoignage,
    j’ai également fait de la DT Thérapie sur Berlin.
    Je pense que j’ai été avec la collègue qu’elle mentionne.
    Si, j’ai été moins mal-traitée que toi et que j’ai effectivement arrêté de fumer, je suis TRÈS perplexe de cette méthode et la déontologie des professionnels.elles.
    L.

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Stefie

Bonjour 🙂
Merci pour votre partage , expérience faite aussi et bizarrement on m’a trouvé aussi un jumeau !! Dans les témoignages que j’ai pu lire, ils nous trouvent presque tous des jumeaux !!!
Enfin je pense que vu la conjoncture actuelle et la fragilité des personnes, certains vont bien en profiter pour se remplir les poches … 🙁
PRENEZ SOIN DE VOUS
Avec toute mon empathie et ma sympathie 🌺🌺🌺

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Evelyne

Bonjour.
Tout dépend je pense de la personne qui vous le fait. Mes 2 enfants ont 3 séances chacun. Ils sont métamorphosés. J’ai fait ma première séance et j’ai déjà lâché plein de choses. La méthode est bonne. Tout dépend du praticien

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Maud

Bonjour,

J’ai fait plusieurs séances de DT et j’avoue être très surprise par la manière dont on vous a traité. La méthode fonctionne car j’ai vu de réels changements chez moi et des personnes à qui je l’ai conseillé. Par contre, la praticienne DT que je vois est très respectueuse, à l’écoute, bienveillante et surtout, elle n’utilise pas de marteau pour me taper sur les genoux mais uniquement ses doigts avec lesquels elle fait un léger tapotements.
Je pense que vous êtes tombé sur la pire de la promo! enfin je l’espère car sinon c’est flippant.
Pour ma part c’est une belle découverte et question « s’en mettre plein les poches », étant donné qu’une séance dure 3 heures et coûte 130 euros donc 2/jours cela revient à 260 euros en enlevant la TVA, impôts et autres charges + loc du cabinet. Au final, les praticiens DT ne s’enrichissent pas plus que cela et leur salaires ne dépasse pas 2000 euros en général.
M.

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Sarah

Bonjour,

J’ai fait une séance de détachement de traumatisme il y a quelques années avec un thérapeute à Aix les bains. La séance c’est très bien passé. Je n’ai pas eu mal. Je pense que tout depend du thérapeute. Cette thérapie m’as fait beaucoup de bien..Je dirais même plus je la conseille..

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georges

Bonjour,
J’ai fait une seule séance de DT, et je dois reconnaitre que c’était beaucoup plus puissant que la plupart des thérapies brèves et aussi assez éprouvant car je suis remonté dans mes émotions, jusqu’à me sentir paralysé des deux bras ( assez flipant) mais la thérapeute a su me rassurer et l’expérience de celle ci me semble déterminante. au final pour une seule séance le résultat est carrément incroyable…j’ai fait sauter plusieurs blocages qui m’ont freiné depuis 6 ans…ma vie reprends son cours…

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dupond

Ma fille a fait une formation de ce type pour devenir thérapeute alors qu’elle même allait très mal psychologiquement. C’est avant tout des  » boites à fric » et c’est plutôt dans ce sens que c’est scandaleux et à dénoncer. Plus de 5000 euros je crois. Il laissent à penser à leur stagiaires qu’ils amortirons rapidement leur investissement et que bien sur, même si ils s’installent en rase campagne , les patients viendrons à eux. En ce qui concerne la méthode: Ma fille avait de très bon retours.

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Virginie

Sur le site il est ecrit :  » Et la puissance du Détachement de Traumatismes® est qu’en une seule séance, cela suffit pour régler définitivement une problématique. »
Cette phrase seule doit faire fuir !!!!
Merci pour votre témoignage.
Quant aux 4 derniers temoignages d’Evelyne, Maud, Sarah et Georges, ca ne m’étonnerait guère que ce soit des faux témoignages. Ces dérives sectaires utilisent tous les moyens pour propager leur emprise.
Ayons du discernement 🙂

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Claudia

Bonjour à toutes et tous,
je viens de trouver votre article et vous en remercie !
Des membres de ma famille sont tombés un à un dans les griffes sectaires de Martine Clavelli et son CGHE… elle leur a tout pris, des dizaines de milliers d’euros que mes grands-parents ont financé en majeure partie ! Des stages en Isère qui les ont littéralement transformés et ont fait d’eux des prédateurs sous couvertures de médecine alternative. Ils utilisent à présent leur propre néolanguage et veulent désormais se rembourser en créant eux-mêmes des stages et formations en plus d’essayer de vendre leurs séances thérapeutiques bidons à des victimes de plus en plus nombreuses !

Le GEMPPI et la MIVILUDES s’y intéressent déjà et des plaintes sont apparemment en cours.

Comment pouvons-nous les aider à se sortir de tout ça ?

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Simon

Je suis pas le seul à penser que ces pratiques sont de la poudre de perlinpimpim.

J’ ai fait 3 séances en 2017, aucune efficacité.

Ils ont tous le même langage je vois :
« moi m’aime » « l’âme agit » et toute un lexique pour faire croire au patient qu’il est entre de bonnes mains et que tout converge dans l’invisible à sa guérison.

Martine Clavelly forme n’importe qui, du moment qu’il paie faut croire.

Ce sont souvent des personnes vulnérables qui ont eux mêmes testé la thérapie et qui veulent trouver une voie professionnelle en dehors du système dans lequel ils ne s’adaptent pas.

C’est grotesque et ça joue avec les difficultés des gens.

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Bernal

J’ai également été suivie en DT suite au décès de ma mère, ce qui m’a fait beaucoup de bien. De plus j’avais une fibromyalgie depuis 22 ans qui a disparu après une séance de DT (et oui culpabilité). Il est dommage donc de mettre tous les thérapeutes dans le même panier car il y en a de très bons. Je me suis libérée de beaucoup de choses négatives et je peux dire que maintenant la vie est belle. Et ce n’est pas une secte… la consultation est en adéquation avec le temps consacré par séance et l’effet d’amélioration de ma santé. Ma fille et ma soeur y sont allées et le changement est spectaculaire pour elles aussi.

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Anaïs

Bonjour,

Pour ma part, j’ai réalisé 4 séances de détachement des traumatismes après ma deuxième j’ai eu une réaction allergique comme expliqué dans ton récit. Mais après cela j’ai réussi à tomber enceinte de mon enfant.. les séances suivantes ont été intenses en déprogrammation mais ça m’a permis de repenser à un nouveau travail.
J’ai eu une très belle expérience de cette méthode, mais je suis tombé sur 2 très bons thérapeutes super bienveillant

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