LGBTQ+
Les LGBTQ+-phobes sont de retour, ma colère aussi Roseaux, magazine féministe  Le Pèlerin



Depuis quelques mois, la manif pour tous (LMPT) et ses ami·e·s de tout bord sont revenu·e·s sur le devant de la scène. Les discussions qui ont eu lieu un peu partout en France au printemps à propos de la révision obligatoire des lois de bioéthique les ont réveillé·e·s. Les drapeaux et slogans de 2012-2013 sont ressortis. Et avec eux ma colère et ma peur.

 

Colère

Je suis en colère. Je suis colère. Les gens qui me connaissent sont habitués à me voir en colère. Mais là, ma colère me vient des entrailles, elle me vient du plus profond de moi-même, et je ne sais pas quoi en faire.

Je ne sais pas quoi faire face à ces gens homophobes, biphobes, transphobes. Ces gens qui descendent dans la rue afin de crier que nos identités sont une abomination. Ces gens qui donnent à leurs enfants des drapeaux et des pulls sur lesquels on peut lire « un papa, une maman ». Ces gens qui veulent tout nous interdire : le mariage, l’adoption, la procréation, la sexualité, et même et surtout l’amour.

Et puis je pense à leurs enfants. Statistiquement, il y a forcément parmi les enfants de ces gens des enfants qui sont homos, bi·e·s, trans. Des enfants qui apprennent dès leur plus jeune âge que cette partie-là de leur identité est une abomination. Pas besoin d’attendre la cour de récré, où « pédé » et « gouines » sont les insultes les plus employées, pour l’apprendre, c’est dès les premières années, probablement à table, entre le rôti et la salade, à base de « Il y a encore un pédé qui s’est fait tabasser l’autre jour, ça lui apprendra à s’exhiber comme ça ».

Je suis colère parce que je pense à tou·te·s ces adolescent·e·s qui sont en pleine construction et qui entendent ces discours aberrants, grandement relayés – et sans qu’une contre-parole soit nécessairement présente –, qui essaient de comprendre qui iels sont, qui iels désirent, et dont la tâche est brusquement rendue encore plus difficile.

Comment réussir à s’identifier en tant que lesbienne, gay, bi·e, trans, lorsqu’on se retrouve sans cesse confronté·e à de tels discours de haine ? Comment réussir à s’accepter ? Comment réussir à sortir du placard ?

Je suis aussi en colère pour les autres. Les autres membres de ma communauté, qui sont déjà sorti·e·s du placard, mais qui doivent parfois y entrer de nouveau, parfois pour un temps, ou par rapport à certaines personnes.

Je suis en colère parce qu’on a déjà passé tant de temps à se cacher, à se battre pour nos droits. Encore et encore. Lassitude.

Enfin je suis en colère d’être en colère. J’en ai marre d’être en colère. C’est fatiguant, c’est usant. Je ne peux pas être en permanence être en colère.

 

Incompréhension

 

Je suis également pleine d’incompréhension. Sérieusement, les gens de la manif pour tous et autres groupuscules de merde, c’est quoi votre problème ? Pourquoi est-ce que vous venez nous faire chier ? Vous n’avez pas mieux à faire ? Je ne sais pas moi, prévoir l’achat de votre nouveau serre-tête, de votre nouveau costume ou de votre nouveau sac à main à plusieurs centaines d’euros. Vous êtes hétéros, cisgenres, avec un modèle familial « classique » ? Mais tant mieux pour vous, d’autant plus si ça vous convient. Mais quel est le problème ? Pourquoi restez-vous sur des positions bien plus vieilles que vous ? Pourquoi être contre le changement, alors même qu’il ne vous concerne pas ?

Dans l’interview qu’il a accordée à Konbini, Guillaume Mélanie, président de Urgence Homophobie, et récemment victime d’une violente agression homophobe en plein Paris, dit que s’il en avait l’occasion, il inviterait son agresseur à boire un verre, afin de lui expliquer les tenants et les aboutissants de ses combats.

 

Bon, clairement, si tu me demandes à moi aussi ce que je souhaiterais faire si je retrouvais mon agresseur homophobe, ma première envie serait de répondre « lui casser la gueule » (légèrement irréaliste au vu du petit gabarit que je suis, mais passons).
Mais, effectivement, avec une bonne réserve d’énergie et de pédagogie, j’aimerais l’inviter à boire un verre. Ce serait l’occasion de comprendre ses positions, ses peurs aussi peut-être. Ce serait l’occasion aussi de lui expliquer mes positionnements, mes combats, les valeurs que je porte.

 

Peur

J’ai peur, aussi. Pourtant, je passe toujours celle qui est courageuse, qui ne recule devant rien. Mais là, j’ai peur. Un président d’extrême-droite, ouvertement sexiste, homophobe et raciste, vient d’être élu. Un référendum pour interdire le mariage pour tou·te·s a failli passer en Roumanie. En Allemagne, le parti d’extrême-droite, l’Alternative pour l’Allemagne, gagne un peu plus de terrain à chaque élection régionale ou nationale. Et en France, des personnes LGBTQ+ se font insulter, tabasser, agresser en pleine rue, parfois même en plein dans le Marais.

J’ai peur de ne pas pouvoir tenir la main d’une fille dans la rue, j’ai peur qu’il arrive quelque chose à mes ami·e·s, j’ai peur que tous les progrès, législatifs et sociétaux, de ces dernières années, n’aient servi à rien.

Un pas en avant deux pas en arrière comme on dit.

Et j’ai beau vivre dans ma petite bulle utopique berlinoise, j’ai peur quand même. Une fois déjà, il y a deux ans, cette illusion a volé en éclats, à cause d’un homme qui, dans ma rue, est venu nous dire, à moi et à la fille qui était avec moi, que nous n’avions pas à nous embrasser, comme ça, en pleine rue. Et je crois bien que s’il n’y avait pas eu ces deux verres de vin bus une heure avant, je n’aurais pas réagi.

J’ai réagi, et j’ai gagné, c’est lui qui est parti et pas nous. Mais pendant quelques instants, j’ai bien cru qu’il allait nous tabasser. Ce jour-là, j’ai eu très peur. Dès qu’il a été un peu loin, je me suis mise à trembler. Je ne pouvais plus m’arrêter. Une fois chez moi, j’ai pleuré, pendant un temps qui m’a paru infini. Et depuis ce jour, la peur que ce genre de choses se reproduise est là. Je l’avais quasiment oubliée, pendant deux ans. Mais depuis quelques semaines, elle a resurgi : le souvenir de cet homme me hante, parce que je sais qu’il en existe tant d’autres dans son genre.

 

Espoir

Le 23 septembre dernier je suis allée rendre visite à mon grand-père dans sa maison de retraite. J’y suis arrivée fenêtres de la voiture grande ouvertes, musique à fond, lunettes de soleil sur le nez. Je me sentais bien. Au fil de la discussion, il m’a fait comprendre et m’a même dit clairement qu’il était content que j’ai compris et accepté cette partie-là de mon identité. Pour quelqu’un qui avait commencé à sortir des petites phrases homophobes par ci par là juste après mon coming out, l’évolution était pour le moins étonnante. Il a dit qu’il était content pour moi, qu’il était heureux que je sois heureuse, que c’était tout ce qu’il me souhaitait.

Je n’avais pas besoin de plus. Et je suis repartie, deux heures plus tard. Fenêtres de la voiture grande ouvertes, musique à fond, lunettes de soleil sur le nez. Avec en plus un sourire aussi large que ce que mes joues pouvaient supporter.

Le 23 septembre, c’était aussi la journée internationale de visibilité bisexuelle. Il n’y a pas de hasard. Mais il y a de l’espoir. Et si j’ai réussi à faire évoluer un vieil homme blanc, cisgenre et hétérosexuel de 92 ans, je me dis que tout n’est pas perdu.

 





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