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« Miroir miroir », le nouveau podcast féministe qui parle beauté, injonctions et normes Roseaux, magazine féministe  Miroir miroir



Cet article fait partie du dossier "Nos conseils de podcasts".
Qu’est-ce que la beauté ? Quelles sont les injonctions qui pèsent sur les individus, et surtout sur les femmes ? Comment les normes se sont-elles construites, et comment s’en détacher si on le souhaite ? Jennifer Padjemi, ex-journaliste chez Buzzfeed, parle de toutes ces problématiques avec ses invité·e·s, et ça fait du bien.

 

Un contenu accessible et intéressant

« Miroir miroir » est une des bonnes surprises de la rentrée dans le (encore trop petit) monde des podcasts féministes. Jennifer Padjemi donne la parole à des invité·e·s de talent, et ensemble iels décortiquent tout ce qui a trait à la beauté et au corps, tout ça d’un point de vue féministe intersectionnel.

Jennifer Padjemi réussit un joli tour de force : produire un contenu qui soit accessible et intéressant pour celleux qui ne seraient pas encore familier·e·s des sujets abordés sous l’angle féministe, tout en permettant aux oreilles plus aguerries d’approfondir leurs connaissances grâce à de nouvelles pistes de réflexion.

Dans le premier épisode, consacré à la grossophobie et avec Gabrielle Deydier comme invitée, la journaliste l’interroge d’abord sur la définition de la grossophobie et sur ce que cette oppression recouvre comme discriminations ordinaires et institutionnelles. Gabrielle Deydier explique par exemple que les personnes grosses ont bien plus de mal que les autres à trouver un emploi, ne vont pas chez lea médecin par peur des discriminations qu’elles y subiraient, et sont de façon générale plus précaires.

Grâce aux questions précises de la journaliste et aux réponses pédagogiques de son invitée, on comprend comment fonctionne cette oppression, et comment, dans le cadre d’une analyse intersectionnelle, elle peut s’ajouter à d’autres oppressions.

On termine cette écoute en ayant appris beaucoup de choses tout en restant un peu sur sa faim : on aurait aimé en savoir plus sur la situation des femmes grosses par exemple. Spoiler alert : c’est souvent comme ça les podcasts, on aimerait que les épisodes soient plus longs, pour en apprendre toujours plus.

Dans le deuxième épisode (qui sortira le 02 octobre) c’est Mona Chollet qui prend la parole. Si elle vient de sortir un nouveau livre (Sorcières. La puissance invaincue des femmes), c’est pour son livre le plus connu – dans le milieu féministe mais pas seulement – que Jennifer Padjemi l’invite, Beauté fatale, sorti en 2012.

Dans cet essai, Mona Chollet explique et déconstruit les mécaniques sexistes, capitalistes, racistes et hétéronormées à l’œuvre derrière les injonctions à la beauté qui tentent de conditionner les femmes, afin de leur faire avoir envie de ressembler autant que possible à LA femme idéale. Qu’est-ce que cette beauté qu’on nous vend ? Pourquoi ne pouvons-nous jamais parvenir à atteindre ce qui nous est présenté comme un idéal ?

Les questions de la journaliste permettent d’avoir une vue d’ensemble du sujet tout en en comprenant aussi les ramifications complexes.

Des conseils bienvenus et bienveillants

A plusieurs reprises au cours de ces deux premiers épisodes, la journaliste pose une question qu’on ne peut que saluer : « Qu’est-ce que vous conseilleriez aux personnes grosses / aux femmes ? » Ce qui frappe à chaque fois c’est que la notion de choix domine : tu veux te maquiller ? Combattre la grossophobie en intégrant le mouvement fat positive ? Te teindre les cheveux, porter des talons ? Tu peux le faire si c’est ce dont tu as envie.

Les réponses à cette question sont toujours pleines de bienveillance et de compréhension. Toutes les personnes grosses n’ont pas le même rapport à leur corps et à leur poids, toutes les femmes n’ont pas le même rapport à la beauté et à ses injonctions (N.B. les propos de Mona Chollet sont binaires et ciscentrés).

Par ailleurs, Gabrielle Deydier donne des conseils pratiques : où et comment trouver d’autres personnes concernées, comment ne pas sombrer dans le dépression ou s’en sortir à temps, etc.

De manière générale le discours est très bienveillant et jamais moralisateur, et ça fait du bien ! On retire de l’écoute de ces deux premiers épisodes l’importance de se sentir aussi bien que possible dans son corps et dans sa tête, que cela implique de se conformer aux normes sociales ou au contraire de s’en détacher et, le plus souvent, de composer avec celles-ci au quotidien, selon ses envies et ses besoins.

Une plate-forme pour réfléchir et dire merde aux injonctions (si tu en as envie)

Tout ce qu’on entend dans ce podcast a un avantage indubitable : ne pas se sentir seul·e face aux situations, regards, etc, que nous devons affronter. Ces deux premiers épisodes permettent aux personnes grosses et aux femmes de savoir que d’autres partagent les mêmes problématiques, les mêmes questionnements.

Mona Chollet, avec sa démarche intersectionnelle, ne se contente pas de dire que le rapport de la société à la beauté est sexiste, elle démontre également comment l’idéal de beauté féminin est également mince, blanc, et hétérosexuel. Certains produits ne correspondent pas à ta couleur de peau ? Tu ne fais pas du 38 ? Tu n’aimes pas avoir les cheveux longs ou passer du temps à te maquiller tout le temps ? Tu n’es pas bizarre, tu ne rentres pas dans les normes artificielles et arbitraires de la société, ce n’est pas pareil.

Les propos tenus dans ce podcast sont donc un formidable outil de déculpabilisation et d’empowerment.

Ce podcast est également indispensable pour les allié·e·s : tu veux être un·e allié·e des personnes grosses, des femmes ? Écoute ces podcasts, plusieurs fois s’il le faut, et ouvre grand tes oreilles : écouter et apprendre c’est le premier rôle de l’allié·e. Et qui sait, la prochaine fois qu’une personne fera preuve de grossophobie et/ou de sexisme ordinaire (« Ma femme a encore pris une taille de pantalon, et elle ne veut toujours pas faire de régime »), tu pourras répondre que chacun·e fait ce qu’iel veut, que « mon corps mon choix », et que la taille moyenne de taille de pantalon pour les femmes est le 42, et que l’essentiel est de se sentir bien dans ses baskets, loin du regard et du jugement des autres.

 

Retrouve ce podcast dans notre série de podcasts militants et dans nos récaps mensuels ! Les épisodes sortent un mardi sur deux, et on a hâte d'écouter les prochains !


Pour aller plus loin : 
- le site de Gras Politique 
- une sélection d'articles sur la grossophobie
- le blog de Mona Chollet
- les livres mentionnés ci-dessus de Mona Chollet sont accessibles en ligne gratuitement : Beauté fatale & Sorcières 




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