Le monde m’attaque.
Des fois, c’est comme ça que je le ressens : C’est comme si le monde m’attaquait. Les réseaux sociaux n’arrangent pas grand-chose. C’est une fenêtre sur le monde, sur les belles choses qui y sont, mais ça laisse aussi place à la méchanceté.
Je viens de voir une vidéo. Moche. Un mec avait pris une vidéo de lui parlant à une femme dans la rue, en l’abordant. Il disait bien qu’il n’avait pas insisté, et qu’elle avait mal réagi. L’intitulé : « J’aborde une féministe dans la rue et elle me frappe ». Je n’ai pas trouvé l’intérêt de cette vidéo. Je me suis demandé pourquoi elle existait. Je me suis demandé pourquoi on en voulait aux femmes de répondre sur la défensive, et comment on pouvait en vouloir aux mécanismes de défense qu’elles avaient adoptés en réponse à un danger bel et bien présent. Je me suis demandé ce que cette vidéo cherchait à montrer, en filmant une femme abordée la nuit et en lui faisant remarquer « Hé, je fais que te parler ! ! ».
Pourquoi des gens pensent que vouloir arrêter le harcèlement de rue et que les femmes se ré-approprient la rue, c’est une volonté trop drastique, c’est trop extrême, ça va abolir la séduction, personne ne pourra séduire, ouuh, les hommes vont avoir peur. Je ne comprends pas qu’on puisse penser « Mais je vais plus pouvoir draguer, les féministes sont vraiment extrêmes et coincé·e·s du cul ! », quand tout ce qu’on veut, c’est être respecté·e·s dans un lieu public, et non être filmé·e·s par un inconnu pour que la vidéo soit balancée sur Internet dans le but de prouver je-ne-sais-quoi.
J’ai vu les commentaires : plein de gens qui crachaient sur cette meuf, sans vouloir réfléchir, sans se dire : « Si la meuf réagit comme ça, c’est que y a sérieusement un problème. » Y a sérieusement un problème, ouais. Parce que sortir dans la rue, c’est être sur ses gardes. C’est être regardé·e comme un jambon quand tes cheveux sont détachés, que t’as du maquillage et une jupe, que tu peux rien dire quand on te dit : « Hey, mademoiselle », parce que ça, c’est gentil. « C’est poli, y a rien de mal », et qu’on est censé·e·s répondre, on est censé·e·s bien se tenir et sourire… Parce que par défaut, on est censé·e·s être disponibles.
Pas de « Excusez-moi de vous interrompre », parce qu’ils ne considèrent pas qu’il y a lieu de s’excuser, parce qu’ils considèrent ça comme acquis. Parce que je suis féministe, et oui, je discute avec des gens dans la rue, parfois, vous savez. Des fois, j’engage la conversation avec des gens dans la rue. « Excusez-moi de vous déranger, bonjour, j’adore vos cheveux ! ». Oui, c’est arrivé, et pas qu’une fois. Un peu gêné·e, respectueusement, et ouais, un compliment, parfois.
Le harcèlement de rue, c’est un problème. Parce que des fois, tu traverses un quartier, et tu te sens baisé·e par les regards sur ton corps. Des fois, j’en pouvais plus. Je suis rentré·e en pleurant parce que j’en pouvais plus de ces mots et de ces regards, de me sentir dépossédé·e de mon corps, de mon humanité, comme si la rue c’était un étalage de corps qui étaient là que pour plaire. En faisant fi de ce qui je suis, je suis réduit·e à un corps et de ce qu’ils prennent de moi en me déshabillant du regard.
Je suis féministe, mais j’aime séduire, j’aime charmer. J’aime quand on me charme, aussi, ouais, et j’aime faire l’amour. Mais le harcèlement de rue, c’est pas ok. Gens des commentaires : il n’y a pas d’échelle ou la drague devient soudainement du harcèlement. Le harcèlement et le charme, c’est deux choses différentes, avec deux optiques et deux bases différentes.
Je crois que je vais éviter les réseaux sociaux pendant un petit moment.