Le don d’ovocytes est une pratique encore mal connue en France, pourtant elle aide des centaines de couples à avoir des enfants chaque année. Les raisons qui font qu’une personne munie d’un utérus fonctionnel ne puisse pas avoir d’enfants sont multiples, et pour certain·e·s, la seule solution est d’attendre qu’une personne fasse un don. Une donneuse partage avec nous son expérience : comment, où, pourquoi, elle nous dit tout. Sauf son nom, car le don en France doit rester anonyme.
Pour des raisons d'anonymat, impossible de vous dire la date ni le lieu, ça a pu se faire il y a un an, deux mois, comme la semaine dernière.
UN PEU DE CONTEXTE…
En France environ 500 personnes donnent leurs ovocytes chaque année, aidant environ 1000 couples à parachever leur parcours de PMA et accueillir un enfant. Pour le sperme il y a environ 250 donneurs (2 x moins malgré la plus grande facilité du don en lui-même). Les couples qui font une FIV avec don de gamètes passent en moyenne 2 à 3 ans sur liste d’attente. Beaucoup se déplacent à l’étranger pour cette raison (en Espagne par exemple les donneur·euses sont rémunéré·es : il y a davantage de dons).
MA DÉMARCHE
Elle a été entièrement personnelle. Comme beaucoup de donneur·euses de gamètes, je donne aussi mon sang, suis inscrite sur les registres du don de moelle osseuse et du don du corps à ma mort. J’ai pensé au don de gamètes dès ma majorité et ai attendu que la loi passe pour que les nullipares aient accès au don (c’est possible depuis fin 2015).
CONDITIONS D’ACCÈS
Il faut avoir moins de 37 ans, être couvert·e par la Sécurité sociale française et être en bonne santé. Si vous satisfaites à ces trois conditions, vous pouvez prendre RDV. Mais cela ne s’arrête évidemment pas là : il y a une batterie d’examens à passer. En tout :
• examens biologiques (prise de sang et prélèvement vaginal) pour vérifier votre état de santé global, vos infections éventuelles, votre « réserve ovarienne »
• échographie endovaginale pour regarder l’aspect des ovaires, évaluer le nombre de follicules ovariens
• consultation génétique (certaines maladies, de vos parents, grands-parents, etc. peuvent constituer un arrêt de votre démarche, il est important de vous renseigner auprès de votre famille pour permettre la bonne réalisation de l’arbre généalogique avec les maladies de chacun-e)
• entretien psychologique pour évaluer votre conception psychique de ce don qui est particulier
• consultation d’anesthésie classique pour vérifier si vous pouvez avoir une anesthésie
Souvent les différentes consultations ont lieu dans la même demi-journée pour vous simplifier la vie.
Outre votre propre consentement, si vous êtes marié·e ou pacsé·e il faut le consentement de votre moitié.
EN PRATIQUE
Si vous satisfaites à l’ensemble des examens, votre dossier est présenté lors d’une réunion où se trouvent plusieurs médecins du service pour donner l’ultime feu vert.
Ensuite commence la grande aventure.
Dans les grandes lignes, il va falloir faire une stimulation ovarienne avec des médicaments qui vont faire pousser plusieurs ovocytes dans vos ovaires pendant 10-14 jours et à l’issue de cette stimulation on ira ponctionner ces ovocytes lors d’une opération. J’y reviendrai !
Les médecins du centre de PMA prennent vos caractéristiques morphologiques : taille, poids, carnation, couleur et nature des cheveux, couleur des yeux. Grâce à ces paramètres ce sont les médecins qui vous « apparient » avec les couples receveurs pour qu’il y ait une ressemblance physique entre elleux et leurs futurs enfants.
Les ovocytes ne quittent pas le centre, ce sont les couples suivis en PMA dans le centre où vous donnez qui les recevront (ils ne voyagent pas à travers la France). Les ovocytes ne sont pas congelés et vont direct être fécondés dans les heures suivant votre ponction puis mis en culture pour faire les embryons et enfin, après quelques jours, être implantés dans l’utérus de leur futur·e parent.
Quid de l'effet sur votre fertilité ? Tous les mois vous n'ovulez qu'un seul ovule mais il faut savoir qu'au début il y en a une vingtaine qui "voulaient grandir". Un seul est pourtant sélectionné et tous les autres meurent. La procédure court-circuite cette sélection et les fait tous pousser. Il n'y a donc pas de perte de fertilité pour vous : ceux qu'on vous ponctionne auraient tous été perdus dans tous les cas !
En fonction de vos cycles va donc être programmée le début de la stimulation ovarienne (en général le 2e jour de vos règles). Comme rien n’est simple, les médicaments ne se prennent pas par voie orale mais doivent être injectés sous la peau. Les seringues pré-remplies sont faciles d’utilisation et ressemblent aux seringues d’insuline des personnes diabétiques.
C’est assez impressionnant et vous pouvez les faire faire par un·e infirmier·e. Les piqûres se font dans le ventre ou le gras des cuisses. Il existe parfois des protocoles différents, tout vous sera expliqué dès le premier rendez-vous dans tous les cas.
Personnellement j’en ai bavé, c’est vraiment pas agréable de se piquer. Surtout il fallait les faire à heure fixe : pendant une douzaine de jours tout l’emploi du temps de la journée est rythmé par les injections (à faire vers 18h30 dans mon cas), pas le droit d’improviser des sorties (d’autant plus que tout se garde au frigo). On s’en sort heureusement. Certaines piqûres font plus mal que d’autres.
Vous aurez des séances de surveillance pour vérifier la croissance des follicules (les « sacs » ovariens qui contiennent les ovocytes) via des échographies et prises de sang (2 dans mon cas, au 7e et 11e jour).
Alors il faut savoir que ça ne fait pas spécialement mal mais ça fatigue énormément et surtout ça vous fait grossir vos ovaires comme jamais. Un follicule à terme mesure plus de 2 cm ( ! !) donc quand y en a qu’un seul on le sent pas trop mais quand y en a VINGT je peux vous dire que vous avez le bide gonflé et que vos ovaires deviennent vos nouveaux potes un peu collants !
Perso dans mon ovaire gauche j’en avais plus de 15 ( ! ! !) et ben ça se sent, ce sont des sensations tout à fait inhabituelles. En fait c’est comme si vous aviez deux grappes de raisin dans l’abdomen ! Mais ça ne dure heureusement que quelques jours…
Car vient ensuite le jour de la ponction.
Celle-ci se déroule soit par anesthésie locale (avec parfois de l’hypnose) soit par anesthésie générale (c’est mon cas car mon centre ne proposait pas la locale).
La procédure dure environ 30 min. Je n’ai donc pas été intubée, je respirais toute seule. Le médecin va par voie vaginale ponctionner avec une grosse aiguille le contenu de tous les follicules en s’aidant d’une sonde d’échographie. Ce sera plus tard au biologiste d’aller chercher les ovules dans tout ce liquide prélevé.
Je me suis réveillée moins de 45 minutes après avoir été endormie. Il a ensuite fallu me surveiller une demi-heure puis j’ai été remontée dans le service où j’ai pris un petit-déjeuner. Ça saignotait un tout petit peu et pareil dans les jours qui ont suivi. Ça fait assez peu mal, comme des grosses douleurs de règles dans les 24 heures qui suivent.
J’ai pu sortir le midi de mon opération, accompagnée de ma maman qui s’est ensuite bien occupée de moi toute la journée. Il ne faut pas dormir seul·e pendant 1 nuit.
Les règles reviennent dans les 4 à 15 jours et sont réputées très abondantes. On vous donne des anti-inflammatoires, anti-douleurs et tutti quanti. Et ensuite tout revient à la normale.
Illustration : Janna B.
CONTRACEPTION
Si vous êtes sous pilule ou autre contraception hormonale il faudra utiliser des préservatifs pendant toute la durée de la procédure (dès le début de la stimulation ovarienne) et jusqu’à ce que reviennent vos règles.
Si vous avez un DIU au cuivre, préservatif seulement dans les jours qui suivent la ponction par précaution.
PRISE EN CHARGE
Vous êtes pris·e en charge par la Sécu à 100 % pendant 6 mois à partir de votre premier RDV (ce qui vous permet de planifier votre don « quand vous voulez »). Donc rien à avancer : ni les médicaments, ni les consultations, ni l’opération, tout est payé pour vous. Y compris les éventuels frais de transport jusqu’à l’hôpital (remboursés intégralement mais après coup).
Vous avez un arrêt de travail le jour de la ponction et le lendemain, éventuellement prolongé si ça va pas. Votre employeur·euse est obligé·e de vous donner une autorisation d’absence pour passer les différents examens, ainsi que pour la ponction. Ces absences ne comptent ni comme arrêt maladie, ni comme congé, si vous êtes salarié·e vous êtes donc payé·e normalement comme si vous étiez au travail.
EFFETS SECONDAIRES
Les traitements ce sont des hormones à dose de cheval donc il peut y avoir plein d’effets secondaires qui vous seront bien expliqués. À part une grande fatigue perso j’ai rien ressenti. Pis le fait que ça pousse et grossisse dans le ventre, bien sûr (ça ne fait pas mal c’est juste « gênant », en tout cas j’ai pris aucun anti-douleurs).
ET ALORS APRÈS ?
Ben en fait vous ne saurez jamais combien d’enfants sont né·es suite à votre don. Vous ne saurez même pas combien d’ovocytes on vous aura ponctionné. En général un don donne 10 à 20 ovocytes et permet la naissance de 2 à 3 enfants maximum. Vous ne serez prévenu·e que si l’un·e des enfants naît avec une maladie génétique rare dont vous pourriez être vecteurice.
Sinon, c’est le trou noir. Vous êtes complètement anonyme et ces personnes ne pourront pas vous retrouver.
D’un·e seul·e donneur·euse de gamètes ne peuvent naître en tout que 10 enfants. Certain·e·s donneur·euse·s font donc les démarches 2 ou 3 fois, après plus le droit !
AUTO-CONSERVATION
Depuis la loi de 2015, les nullipares ont le droit de conserver une partie de leurs ovocytes en réalisant le don. Je ne me rappelle plus bien des chiffres mais en gros si on vous en ponctionne plus de 10 on en donne 10 pour le don et on congèle le surplus pour vous pendant 10 ans. Il faut savoir que la congélation des ovocytes ne marche pas très bien, la plupart meurent ou sont trop altérés par la procédure. Il en faudrait donc minimum 6 pour espérer la conception d’1 embryon viable.
Et encore c’est pas une science parfaite. Bref moi je l’ai pas fait, je ne donne pas pour moi mais pour les autres et je suis jeune. Cependant pour des personnes plus avancées en âge cela peut être une « sécurité pour l’avenir ». On vous en parlera quoiqu’il en soit et ça vaut le coup d’y réfléchir.
Voilà j’espère que ça vous aura été utile je sais qu’en tout cas j’aurais bien aimé lire tout ça avant de me lancer. Je suis super contente de l’avoir fait, j’espère avoir pu aider des couples à avoir des enfants qu’ils attendent depuis des années. On manque de donneuses et donneurs de gamètes donc parlez-en autour de vous ! ! !
Plus d'informations sur le site officiel : http://www.dondovocytes.fr