Culture
Juste la fin du monde

Un long dimanche de retrouvailles

Roseaux, magazine féministe  Shayne Laverdière, courtesy of Sons of Manual / Diaphana Distribution



Xavier Dolan nous est revenu il y a quelques mois, déjà, enfin. Avec Juste la fin du monde, un film qui file comme une pièce et peu ennuyant, comme un repas de famille interminable. Comme à la maison.

 

 

Louis, la trentaine, auteur à succès, sans doute parisien, peut-être new-yorkais, revient chez lui, chez sa mère, à la campagne, douze années après avoir tout quitté. Une homosexualité mal acceptée, un frère violent, un père absent, une mère étouffante, une soeur qu’il n’a pas connue. Louis a fui, loin d’ici, pour vivre sa vie et se protéger. Il s’est créé un nouveau cocon, une nouvelle maison, loin des souvenirs d’enfance qui froissent le coeur. Il a fait ce dont il avait envie, il a vécu la belle vie. Et puis, on se sait pas pourquoi, on ne sait pas comment, et finalement on s’en fiche un peu, Louis apprend qu’il va mourir. Bientôt, sous peu, des mois, des semaines, quelques petites années. Vient alors pour lui le moment de rendre visite aux fantômes du passé, de chasser les monstres du placard.

Et il les retrouve tous, presque comme avant, une famille d’horreur et un casting d’honneur : Nathalie Baye, la mère, Vincent Cassel, le grand frère, Marion Cotillard, la belle-soeur, Léa Seydoux, la petite. Et Gaspard Ulliel, Louis. Presque comme par magie, le mélange fonctionne. Des retrouvailles tièdes, des dialogues qui traînent en longueur, suspendus à un cil. Un bâillement, un souffle, un regard insistant. Et puis finalement, est-ce que ce ne serait pas ça, simplement ? Un apéro qui s’étire, le dessert qui, on le croit, ne viendra jamais.

Louis aurait pu ne pas mourir prochainement, il aurait pu vouloir rattraper le temps passé, il aurait pu venir parce que ça lui faisait plaisir. Le repas aurait été le même, le poulet aurait toujours eu cet arrière-goût de cramé. Et puis, parfois, une éclaircie qui réchauffe le coeur. Dolan fait danser les souvenirs dans le flou de sa caméra, sur fond de musique pop. Comme souvent, il frôle le mauvais goût, le ridicule, pour toucher la vérité, cette douce fumée qui fait monter les larmes aux yeux et brouille l’esprit. Cassel et les autres, qu’on connait par coeur, comme un tube de l’été trop écouté, sont peu surprenants, mais toujours vrais, vivants, touchants.

Juste la fin du monde, finalement, c’est juste ça. Juste un repas de famille comme il en existe des milliers. On s’engueule, on se fait chier, on s’aime parfois un peu. Et puis vient l’heure de partir, parce qu’il est déjà tard, que demain c’est lundi, qu’on n’a plus rien à se dire. Certaines personnes iront se cacher pour mourir, d’autres pour pleurer ou s’enlacer. Ce n’est pas vraiment la fin, juste une continuité, une suite qui se répète, juste une vieille habitude qu’on aurait peur de perdre.

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