LGBTQ+ Societé

Comment être un·e

bon·ne allié·e

hétéro

des

personnes non hétéros ?
Roseaux, magazine féministe



N.B. : n’étant pas concernée par toutes les oppressions existant au sein de la communauté LGBT+, je ne parlerai que de celles que je connais. Voici donc un guide pour devenir un·e allié·e de choc des personnes non hétéros qui font partie de la communauté LGBT+ : lesbiennes, gays, bi·e·s, pans, etc. Je ne parle donc pas pour les personnes trans*, intersexes, agenres, etc. Pour éviter les lourdeurs et les répétitions, j’utiliserai l’acronyme LGBP+ (Copyright by me). Par simplicité, je ne parle que d’orientation sexuelle, mais je n’oublie pas l’orientation romantique pour autant, et je sais que les deux ne vont pas systématiquement de pair.

Tu as dans ton entourage une personne non hétéro ? Taon partenaire, taon meilleur·e ami·e, ton frère, ta tante s’est outé·e à toi en tant que lesbienne, gay, bi·e ou pan, et tu as du mal à comprendre de quoi il s’agit, tout en n’osant pas poser (trop) de questions, par peur de blesser ? Je vais t’expliquer de quoi il retourne, et te montrer comment tu peux devenir un·e bon·ne allié·e.

Tes préjugés tu déconstruiras

L’homosexualité, la bisexualité et la pansexualité sont des orientations sexuelles, qui, parce qu’elles sont méconnues, sont victime de nombreux clichés et a priori. Pour faire court, être LGBP+ ce n’est pas :
⁃ être attiré·e par toutes les personnes du même genre que soi – ou tout le monde, pour les bi·e·s et les pans – ni coucher avec la terre entière
⁃ avoir un goût particulier pour les plans à 3 et plus
⁃ être incapable d’être fidèle dans une relation exclusive
⁃ être dans une phase ou être incapable de choisir
⁃ pour les bi·e·s et les pans, être 50 % hétéro, 50 % homo
⁃ avoir subi un traumatisme dans l’enfance dont on ne s’est pas remis·e
Les LGBP+ sont des personnes comme les autres. Point.

Tes privilèges souvent tu checkeras

Être hétéro, c’est avoir des privilèges. « Privilège » n’est pas un gros mot, ni un reproche. C’est un fait. Les gens naissent avec plus ou moins de privilèges, liés à la classe sociale, le genre, la couleur de peau, l’orientation sexuelle, l’état de santé, etc. Être un·e bon·ne allié·e, c’est être capable de reconnaître et d’accepter qu’on est soi-même privilégié·e, sans que cela remette en cause pour autant les oppressions dont est peut-être soi-même victime : une femme pan sera par exemple moins privilégiée qu’une femme hétéro.

Parmi les (nombreux) privilèges hétéros que tu dois checker, on trouve ceux-ci :
⁃ ne pas avoir à faire de coming out, et donc ne pas risquer le rejet de la part de sa famille, de ses ami·e·s ou de ses collègues
⁃ ne pas être discriminé·e à l’emploi pour son orientation sexuelle
⁃ pouvoir tenir la main de saon partenaire dans la rue, pouvoir l’embrasser, lui montrer son affection, n’importe quand et n’importe où, sans risquer de se faire réprimander, regarder de travers, voire de se faire agresser (ou tuer, selon les pays)
⁃ dans tous les pays du monde, pouvoir épouser saon partenaire, et ce depuis… des lustres
⁃ ne pas avoir peur de s’outer ou d’outer saon partenaire en se trompant de pronom lorsque tu parles d’ellui
⁃ ne pas entendre ni lire en permanence que son orientation sexuelle est une mode, un choix, une façon de se mettre en avant, une absurdité, une phase, une maladie, quelque chose qui n’existe pas
⁃ voir son orientation sexuelle représentée partout dans les médias, les films, les séries, les livres, et ne connaître donc aucune difficulté à s’identifier aux personnages mis en scène

Ne pas pouvoir tout comprendre tu accepteras

Une fois que tu as pris conscience des inepties que tu as pu dire par le passé, et que tu t’es rendu·e compte à quel point tu étais – dans ce domaine-là au moins – privilégié·é, tu peux passer à l’étape suivante : accepter que tu ne comprendras jamais vraiment tout ce que vivent les concerné·e·s.

Cette étape est à mon sens une des plus compliquées, parce qu’elle nécessite d’admettre que son savoir et son empathie ont des limites. Prenons l’exemple de se tenir la main : à moins d’entretenir une relation adultérine, ou une relation – pour une raison ou pour une autre – cachée, tu n’as jamais ni peur, ni honte, ni appréhension à tenir la main de taon partenaire dans la rue.

Pourquoi ? Parce que, dans le cadre d’un couple hétérosexuel, il s’agit d’un geste banalisé. Pour un couple non hétérosexuel, c’est tout à fait différent : à moins d’être certain·e·s qu’on est en sécurité, on ne se tiendra pas la main en public, malgré l’envie irrésistible de montrer aux autres – à l’instar des couples hétérosexuels – son attachement à l’autre.

Ton rôle d’allié·e consiste à comprendre et accepter que tu ne pourras jamais comprendre cette peur et cette appréhension-là à 100 %. Et ce n’est pas grave ! C’est même tant mieux pour toi. Puisque tu es privilégié·e dans ce domaine-là, accepte de ne pas pouvoir tout savoir ni tout expérimenter, d’autant plus quand il s’agit d’une oppression systémique.

A te taire et écouter tu apprendras

De manière générale, les hétérosexuel·le·s monopolisent la parole dès que sont abordés les sujets touchant au sexe : mariage, procréation, Tinder, contraception, enfants, famille, tout est vu au prisme de l’hétérosexualité. Les personnes LGBP+ ont, en plus de subir des discriminations particulières, une manière différente de relationner. Tout comme elles ont d’autres références culturelles et artistiques, un vocabulaire particulier pour aborder les problématiques LGBP+, parfois d’autres endroits pour sortir.

Il s’agit là d’un monde dont tu ne soupçonnais parfois pas même l’existence, et qui s’ouvre à toi lorsqu’une personne LGBP+ t’en parle ouvertement pour la première fois. Ton rôle sera alors de te taire et d’écouter. D’écouter les personnes te parler de leur vécu, parfois douloureux, souvent difficile. Cela te permettra de mieux appréhender leur situation, de mieux comprendre les difficultés de leur quotidien. Du moment qu’elles sont posées avec respect, toutes les questions sont acceptées : sans questions, pas de remise en question, et donc pas de progrès.

Il faudra que tu acceptes que certaines personnes soient parfois fatiguées de répondre aux questions. Les LGBP+ – et globalement tous les membres de la communauté LGBT+ – n’ont aucun devoir d’explication et de pédagogie envers quiconque, parce que déjà bien occupé·e·s à combattre et résister au quotidien aux discriminations dont iels sont victimes. Mais tu en trouveras toujours pour répondre à tes questions.

A t’informer tu penseras

En plus d’écouter les concerné·e·s et de leur poser des questions, il faut également que tu te renseignes par toi-même. Alors oui, ça demande du temps et de l’investissement, mais il s’agit d’une étape indispensable si tu veux vraiment aider la cause LGBP+. Tu trouveras des sites, des blogs, des groupes Facebook qui t’éclaireront et compléteront les informations que tu auras pu glaner ailleurs.

Ainsi, tu enrichiras ton vocabulaire, tu pourras mettre les choses en perspective, et tu seras au courant des actualités LGBP+. Ainsi, tu pourras te réjouir lorsque tel pays ouvrira le mariage aux couples homosexuels, ou lorsque tel autre pays interdira enfin les thérapies de conversion. Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles, loin de là, et les bonnes nouvelles permettent de se rendre compte que la situation avance, petit à petit.

La parole des concerné·e·s tu relaieras

Une fois que tu t’es longuement attardé·e sur les étapes précédentes, tu peux retourner dans la société hétéronormée, et commencer à relayer la parole des concerné·e·s. En quoi cela consiste-t-il ? Par exemple à reprendre toutes les personnes qui tiendront devant toi des propos LGBP+-phobes, et à faire preuve de patience et de pédagogie pour leur expliquer en quoi leurs propos sont problématiques. Ne t’énerve pas (trop vite) : rappelle-toi qu’il y a de cela quelques mois, tu sortais sûrement, sans même t’en rendre compte, le même genre d’inepties.

Tu continueras à t’informer, afin de pouvoir informer au mieux les personnes autour de toi, et de mieux argumenter avec elles, chiffres et faits à l’appui. Et si elles refusent d’admettre que leurs propos sont problématiques, tu peux également les orienter vers des sites qui t’ont toi-même aidé.

Le secret de l’orientation sexuelle tu préserveras

Personne ne veut être outé·e contre son gré. L’orientation sexuelle, du moment qu’elle n’est pas hétéro, est potentiellement sujette à critiques, moqueries, rejet et violences. Tu ne peux jamais vraiment savoir comment une personne réagira face à un coming out. Parfois, tu seras surpris·e, en bien ou en mal. Mais dans tous les cas – surtout au début, lorsqu’on sort à peine du placard – il s’agit d’un acte loin d’être anodin, et qui peut avoir des conséquences très graves (oui, même en France, même en 2017).

Ne dévoile l’orientation sexuelle d’une personne que si elle t’en a expressément donné l’autorisation. Certain·e·s te diront que tu as le droit d’en parler à telle ou telle personne, mais à pas à telle autre. Même si tu ne comprends pas toujours ses raisons, respecte-les.

La non-mixité tu accepteras

La non-mixité, pratiquée dans le militantisme depuis longtemps, possède de nombreux avantages. Se réunir en non-mixité, c’est se réunir entre personnes concernées par un même type d’oppressions, afin de discuter des luttes à venir par exemple, ou tout simplement pour décompresser au sein d’un espace sécurisé (les safe spaces).

Un safe space est un lieu au sein duquel on peut être soi-même, sans avoir peur des réactions autour de soi. Voilà pourquoi ils sont si importants quand tu es une personne LGBP+ : tu peux te conduire comme se comporterait une personne hétéro au quotidien, sans te cacher. Qu’il s’agisse d’un bar, d’une boîte, ou d’un autre lieu, tu es, pour un temps, libéré·e du jugement et du regard des autres. Un véritablement soulagement.

Il est alors logique que toi, allié·e en devenir, tu ne puisses pas intégrer ces lieux. Même si tu penses que tu as effacé tout jugement et tout cliché de ta manière de penser, ta place n’est pas là. En revanche, il y a souvent des événements auxquels les allié·e·s sont convié·e·s : libre à toi alors de t’y rendre ! Mais le reste du temps, respecte ces safe spaces, ils sont indispensables à la communauté.

Fatigué·e jamais tu ne seras

Tu l’auras compris, être un·e allié·e n’est pas de tout repos. Checker ses privilèges, se renseigner, s’informer, se remettre en question, défendre ses ami.e.s LGBP+, tout cela prend du temps et de l’énergie. Beaucoup de temps. Et beaucoup d’énergie. Mais cela vaut le coup, crois-moi. Si tu acceptes de suivre toutes ces étapes, de te remettre en question en permanence, d’accepter de n’avoir jamais fini d’apprendre, alors tu es sur la bonne voie. Oui, c’est fatiguant. Mais n’oublie pas que, là où tu ne subis que la fatigue, nous subissons la fatigue et les discriminations quotidiennes et systémiques.





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Ressenti, privilèges, vocabulaire et con/divergence des luttes? | Pearltrees

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