Féminisme
Débats et échanges autour du féminisme : retour sur le festival Albertine Roseaux, magazine féministe  Ian Douglas



Au début du mois de novembre a eu lieu le festival Albertine, un festival annuel qu’organise la librairie française Albertine à New York avec des intervenant·e·s américain·e·s et français·e·s afin de célébrer les rapports entre les États-Unis et la France. Chaque année, le festival s’articule autour d’un thème, l’année dernière, le thème était le racisme, et cette année le féminisme. Sur 5 jours, du 1er au 5 novembre, se sont tenues 1 à 2 conférences par jour, gratuites. Le festival cette année était organisé par Gloria Steinem et Robin Morgan.

Ce festival était vraiment intéressant, et d’autant plus qu’il était ouvert au public gratuitement. En plus de cela, une diffusion en direct en ligne était proposée, ce qui était une bonne initiative, sachant que les conférences débutaient à 19 h 00, mais que pour avoir une place, selon les conférence, il fallait y être une heure à l’avance, ce qui n’est pas possible pour tous·te·s, surtout vu la taille de la ville. J’ai découvert beaucoup de femmes que je ne connaissais pas et acheté quelques livres. Gros coup de cœur pour Roxane Gay que j’ai découverte. Les sujets étaient divers : la représentation et la place des femmes dans les médias, l’image que l’on se fait de son corps, le culte de la minceur, les politiques du langage, les politiques des religions, l’activisme dans la rue pour se conclure sur « un futur égalitaire ». C’était intéressant d’entendre différents points de vue et perspectives sur chaque sujet.

Pour les points négatifs, je regrette qu’il n’y a pas eu d’interprète en langue des signes lors des conférences ni de sous-titres français et/ou anglais sur les diffusions en direct (ou a posteriori sur les vidéos qui sont toujours en ligne), cela restreint les personnes qui peuvent accéder à ce contenu à celleux qui entendent et qui ont un niveau d’anglais suffisant pour pouvoir tout suivre. Je regrette un poil le manque de diversité du panel, vis-à-vis des personnes transgenres par exemple. Les problématiques des personnes transgenres ou des personnes non valides n’ont pas été (ou très peu) évoquées. D’une manière générale, j’ai trouvé que même si le panel était assez divers, les sujets n’étaient — de mon point de vue — pas assez envisagés dans une perspective intersectionnelle, et n’ont pas assez pris en compte les différentes identités qui s’entrecroisent : genre, orientation sexuelle, classe, race, validité en dehors de quelques phrases. Plutôt que d’en parler plus longuement, je préfère vous laisser découvrir des extraits des quatre premières conférences.

De l’isoloir à votre salon

 

From the voting booth to your living room : De l’isoloir à votre salon.
Cette première conversation s’est déroulé entre Christiane Taubira et Gloria Steinem et a ouvert le festival. C’était vraiment spécial d’assister à une conférence en si petit comité avec Christiane Taubira, je pense que la moitié de l’assemblée était française et donc la connaissait bien, il y avait de nombreux rires lorsqu’elle a parlé de “son tempérament”, d’applaudissements lorsque ses succès et actions ont été énumérés, d’émotion grave lorsqu’elle a évoqué les attaques qu’elle a essuyées (et essuie toujours). C’était presque intime.

 

Christiane Taubira

Gloria Steinem : « Lors de notre élection, 51 % des femmes blanches mariées ont voté pour Donald Trump, et 95 % des femmes noires ont voté pour Hillary Clinton. Bien sur qu’il y avait un rapport avec l’éducation, et d’autres éléments qui sont rentrés en jeu mais c’est tellement frappant et important. Lorsque l’on aborde ce sujet, j’ai envie de citer Harriet Tubman, qui avait libéré de nombreux esclaves en les amenant à la frontière avec le Sud, et lorsqu’on lui disait à quel point c’était courageux, elle répondait “J’aurais pu en libérer des milliers de plus, si seulement ils savaient qu’ils étaient esclaves” (Ndlr : Cette citation est controversée et elle ne serait pas d’elle, et elle sous-entend des idées dangereuses, que si les esclaves ne se sont pas libérés c’était à cause d’elleux-mêmes et que c’était leur choix, cela sous-estime les dynamiques de pouvoir en place https://www.snopes.com/harriet-tubman-quote/). Être conscient·e est très important, et si nous, si les femmes blanches sont dépendantes du salaire d’un homme blanc et proche de cette identité sociale, c’est très possible que nous votions pour cette protection sociale. C’est ce qui est. Dans ce pays, notre féminisme est disproportionnellement constitué de femmes racisées, et pourtant il est décrit comme en majorité blanc, voire totalement blanc, alors que ce n’est pas du tout le cas. Il y a une grande leçon là-dedans ».

 

Glorian Steinem, Christiane Taubira et la traductrice.

À propos de #metoo et #balancetonporc : « C’est la division du masculin et du féminin dans l’extrême, et ça devient à propos de pouvoir et pas de sexe. Je pense que l’on ne le réalise pas encore. Iels disaient que Harvey Weinstein pouvait bosser avec Meryl Streep ou Julianne Moore, et faire de super films, mais c’était des femmes puissantes. Il a agressé des femmes avec moins de pouvoir que lui. […] Et une grande preuve de ça pour moi, que le problème c’est le pouvoir, c’est qu’en prison, des hommes qui ne sont pas homosexuels, qui sont même ouvertement homophobes quelques fois, abusent sexuellement des hommes plus jeunes et faibles qu’eux, lorsqu’il y a une absence des femmes.  »

Christine Taubira : « On peut inclure toutes les inégalités comme une base de pouvoir, et c’est probablement la raison pour laquelle nous avons du mal à atteindre l’égalité, et faisons si souvent autant de pas en arrière. […] Nous nous battons toujours contre le pouvoir, même dans nos familles, dans nos maisons. Le combat est contre le pouvoir, c’est pourquoi l’égalité c’est la clé. Ce qui est important, c’est à travers l’éducation, à l’école, dans les familles, aider les enfants, filles et garçons, à comprendre qu’iels sont tous les deux entièrement des personnes, des personnes avec des droits, et nous ne devons nos droits à personne. Nous avons des droits, car nous sommes des personnes. C’est ce que nous devons expliquer et obtenir. Car si c’est dans l’esprit des gens, ce sera plus difficile de les opprimer et de les dominer.  »

Gloria Steinem, en parlant du fait que les États-Unis seront de moins en moins blancs et les réactions violentes des personnes blanches aux État-Unis (52:30) : « Pour les gens qui ont grandi en entendant qu’ils avaient une certaine place dans la hiérarchie, et qui représentent environ un tiers du pays — c’est de là que viennent beaucoup de votes pour Trump —, ils sont en révolte contre cela parce qu’on leur a dit qu’ils étaient nés dans une place hiérarchique. Quand j’étais en déplacement, un homme blanc m’a dit qu’une femme noire avait pris son boulot et je dis toujours en réponse à cela “qui a dit que c’était le tien ?”. C’est ce sentiment de légitimité/arrogance, d’un dû (entitlement). Nous avons un tiers du pays qui y croit et vous savez que ce ne sera pas facile parce qu’en partie, ils agissent par culpabilité. Ils craignent d’être traités comme ils ont traité les autres et en fait, ce n’est pas ce qui se passe. Si vous avez été victime de discrimination, vous ne voulez pas vraiment que ça continue, vous savez à quel point c’est douloureux. Donc ça n’arrivera pas, mais c’est l’une des principales causes de la pénible réaction à laquelle nous assistons.  »

Christiane Taubira a évoqué la difficulté de se présenter pour la présidentielle en 2002 lorsqu’on est une femme racisée noire (38:00) : « Comment c’était ? C’était en 2002. c’était très dur car il me semblait à ce moment-là que c’était presque impossible de faire entendre ma voix comme la voix d’une personne qui se présentait à la présidentielle, car chaque fois que l’on m’interviewait, c’était “Oh vous êtes la candidate des départements d’Outre-Mer”, “Oh vous êtes la candidate des minorités”, “Oh vous êtes la candidate des personnes exclues”. C’était ces mots exacts. Et je répondais et je me battais, je disais “pourquoi ne suis-je pas capable de représenter tous les territoires et les citoyen·e·s ? Est-ce que c’est du à mon nez ? À ma si belle bouche ? Est-ce à cause de mes cheveux ?” C’était très déspespér- non, ce n’était pas désespérant, car je connais pas ce sentiment *elle rit*. C’était moche. C’était moche car c’était “tu es ce à quoi tu ressembles, pas de place pour toi ici”. Tu es ce à quoi tu ressembles. Donc j’ai décidé d’être plus forte, plus intelligente que tout le monde, et de parler pour tout le monde. Et je me suis battue.  »

Rendre l’invisible visible

 

Making the invisible visible : Rendre l’invisible visible. Un débat avec Laure Adler (journaliste, écrivaine et historienne), Nassira El Moaddem (la rédac-cheffe du Bondy blog) et Elaine Welteroth (la rédac-cheffe de Teen Vogue).

Parmi les sujets abordés : le fait que les femmes sont nombreuses dans les écoles de journalisme, les rédactions, mais pas aux postes de pouvoir :

 

Nassira El Moaddem

Nassira El Moaddem : « Lorsque je suis devenue rédactrice du Bondy Blog, les commentaires et questions de certain·e·s journalistes étaient intéressantes, certain·e·s m’ont approchée et m’ont demandé “C’est vraiment impressionnant. Comment une femme peut devenir la directrice du Bondy Blog ? Un média des banlieues”, mais pour nous c’était naturel, la plupart des journalistes au Bondy Blog sont des femmes. Et dans les rédactions, la majorité sont des femmes, même dans les écoles de journalisme, la majorité sont des femmes. Donc pour nous, c’était très naturel, c’est une explication démographique. Ce qui était intéressant, c’est que ces journalistes ne sont jamais posé la question de pourquoi, dans leurs rédactions, les femmes ne sont pas dans des positions de pouvoir.  » (14:00)

Laure Adler : « Il y a des femmes qui sont à des postes les plus importants, qui dirigent, c’est une femme qui dirige France Télévision, il y a des femmes à la tête de toutes les grandes radios, mais les chefs sont des hommes, et pour masquer le fait qu’il y a très peu de femmes qui ont des responsabilités, on met des femmes tout en haut, mais on met très peu de femmes qui dirigent réellement – sauf au Bondy Blog, mais le Bondy Blog c’est un média révolutionnaire depuis le début. » (23:00)

Lauren Wolfe : « Pour vous donner des chiffres (Women media center), aux États-Unis, dans les 20 plus grandes rédactions, les hommes produisent 62 % des articles, en un siècle de prix Pulitzer, les femmes ont gagné 14 % des prix, et les personnes racisées, 16 %. » (25:00). « On sait que les hommes écrivent plus d’articles, et grâce à des études, on a pu constater que lorsque c’est un homme qui écrit un papier sur un viol, il va interviewer plus souvent des hommes, et le point de vue d’hommes. Il interviewe plus souvent l’agresseur plutôt que la victime. Donc on sait que cela affecte les articles.  » (27:00)

 

Elaine Welteroth

Elaine Welteroth, à propos des changements de ligne éditoriale qu’elle a mis en place à Teen Vogue : « Les adolescentes ne sont pas intéressées que par le rouge à lèvres et Bieber. Nous n’avons pas honte d’aimer le rouge à lèvres et Bieber et ne me méprenez pas, il n’y a rien de mal à aimer le rouge à lèvres et Bieber, et personne ne devrait nous faire sentir mal d’avoir un intérêt pour la mode. Mais je pense que l’ont peut avoir une conversation sur Bieber, les rouges à lèvres et Black lives matter. […] C’est notre travail de former cette nouvelle génération, de les informer, d’avoir ces conversations qui comptent, d’avoir ces conversations sur notre plateforme, et de donner le micro aux communautés minorisées qui sont rarement représentées dans les médias mainstream car je sais ce que ça fait, en tant qu’accro aux magazines. En tant que fille métisse, je ne me voyais pas, je ne me voyais que dans les magazines de niches, qui étaient pour les personnes noires, mais nous n’étions pas integré·e·s. Et je voulais avoir un magazine qui corresponde au monde dans lequel je vis, et des conversations que j’ai avec d’autres femmes. […] » (36:00) « Pouvoir créer un espace où les jeunes femmes n’ont pas à choisir une boite à cocher est très important. Elles peuvent voir toutes les opportunités ou possibilités qui s’offrent à elles, et peut importe qu’elles fassent des reportages de guerre comme toi ou aiment la mode, mais ont l’impression qu’elles doivent le murmurer, car elles veulent être prises au sérieux en tant que journaliste. J’espère que maintenant elles savent qu’elles peuvent être les deux, ou aucune des deux, et que les deux possibilités doivent être respectées. Pour les femmes, ce n’est pas un nouveau concept […], mais pour les hommes, ça a été un peu difficile à intégrer. » (38:00).

Nassira El Moaddem a parlé du reportage de France 2 sur les cafés “interdits aux femmes”, sur lequel le Bondy Blog a enquêté pour montrer que le sujet a été manipulé par un élu en campagne, et l’importance du contexte des histoires et reportages, et pas seulement les faits (41:00). Puis (à 49:00), elle a rappelé le contexte, et évoqué la situation des réfugiés injustement accusés d’agression sexuelle et de viol en Allemagne. « Ces choses arrivent de partout, dans les festivals, en Norvège, en Suède, et ces événements n’ont pas de liens avec l’immigration, alors ce n’est pas “sexy”, et on en parle moins  ». À 52:00, Laure Adler parle du harcèlement sexuel qu’elle a subi lors de ses années à France Radio pendant 7 ans.

Parlant de la génération Z, Elaine Welteroth dit : « Vous devez vous rappeler que c’est une génération qui a grandi avec Obama comme président, on ne peut pas sous-estimer l’impact que ça a, nous célébrions cette victoire car c’était une anomalie, pour elleux, c’était normal, “comment ça un homme noir ne peut pas être président ?” et “bien sur qu’une femme peut être présidente”. […] Et la victoire de Trump en contraste avec l’ère Obama a réveillé ces filles d’une façon que vous ne pouvez pas imaginer, et de manière irréversible. […] Ces jeunes femmes grandissent en entendant Chimamanda Ngozi, Beyoncé. La définition du féminisme a tellement évolué, s’est tellement agrandie. […] C’est la génération la plus informée car elles ont grandi avec internet comme troisième bras, et nous ne pouvons pas sous-estimer ça. J’ai beaucoup d’espoir dans cette nouvelle génération car j’ai un vision de ce que le futur peut être, et c’est tellement mieux que ça. » (58:00)

 

Image de soi vs Réalité

 

Body image vs Reality : Image de soi vs Réalité. Un débat avec Roxane Gay (écrivaine), Mona Chollet (journaliste et écrivaine) et Camille Morineau (curatrice d’expositions d’art sur les femmes) et modéré par Alexandra Schwartz.

Roxane Gay, à propos de son livre (31:00), Hunger : « Quand j’ai écrit Hunger, j’ai décidé d’écrire le livre que je voulais le moins écrire, qui est d’écrire un livre sur ce que c’est d’être grosse (fatness). Parce que souvent, lorsque nous écrivons sur le corps, les gens écrivent sur des corps qui sont normalisés par la culture populaire, et souvent c’est le corps d’une femme blanche. J’étais intéressée par le fait d’aborder une discussion sur le corps et de regarder un autre type de corps, qui est mon corps. Réfléchir à ce que signifie vivre dans un corps indiscipliné dans un monde qui essaie constamment de discipliner le corps des femmes d’une manière à la fois explicite et implicite parce que nous vivons dans notre corps tous les jours. Souvent, nous recevons beaucoup de commentaires des autres, qu’il s’agisse de “perds du poids” ou de “saviez-vous que l’exercice aide ?”… jamais entendu cela auparavant. Ou tout autre type de commentaires inutiles. Il peut s’agir d’avances sexuelles non désirées ou de n’importe quel commentaire. Nous recevons constamment des commentaires non désirés sur nos corps. Comment vivre avec ça ? Qu’est-ce que c’est que de vivre avec ces commentaires ? Comment l’analyser et comment regarder l’histoire d’un corps ? Parce que souvent, lorsque nous regardons le corps de quelqu’un, nous émettons toutes sortes d’hypothèses à son sujet, peu importe à quoi il ressemble. Et je voulais challenger le genre de suppositions que les gens font sur les corps gros.  »

 

Mona Chollet

Mona Chollet : « C’était difficile d’écrire sur ce sujet en France, car l’oppression par la beauté est quelque chose que les mouvements féministes n’ont jamais vraiment abordé. C’était une sorte d’angle mort. Je ne sais pas pourquoi exactement, peut-être parce qu’il y a cette image des femmes françaises, l’élégance à la française. Notre économie repose beaucoup sur les industries du secteur beauté et l’industrie du luxe. Certaines féministes m’ont dit “pourquoi ça devrait être un problème ? On peut être féministe et rester féminine”. Et c’était tout ce qu’elles avaient à dire sur le sujet. Et ce que cela semblait dire c’était “Tu peux être une féministe, tant que tu restes féminine.” Et ce n’est pas tout à fait la même chose. »

Roxane Gay a évoqué un peu l’impact que la grossophobie avait dans sa vie, mais il a été peu (ou pas) expliqué la différence par exemple entre la grossophobie et le bodyshaming, et les conséquences de la grossophobie dans la vie de tous les jours. Roxane Gay explique (50:00) : « Je voulais écrire sur le fait d’être en chemin, faute d’un meilleur mot, parce que lorsqu’on lit des livres qui ne sont pas de la fiction sur le poids, c’est à propos d’une personne qui a perdu tout le poids qu’iel voulait, et qui a “tout compris”. Et iels posent sur la couverture de leur livre, dans la moitié de leur pantalon qui était jadis à leur taille et ils posent l’air de dire “Je l’ai fait”. Oui, ce serait génial, j’adorerais écrire ce livre. Mais quand je faisais des recherches pour Hunger, j’ai fait des recherches sur elleux, et iels ont tous repris le poids perdu. Donc j’ai pensé qu’il est plus nécessaire d’écrire sur la lutte et à quel point il est difficile de maintenir la perte de poids, de vivre, de gérer nos bagages émotionnels, et de vivre dans le corps. Je voulais écrire sur ce genre de corps. Car quand les gens écrivent sur les corps gros, les gens écrivent sur les gens qui ont la corpulence de Lane Bryant, les gens qui sont jusqu’à une taille américaine 26/28 (un 38 français, NDLR). C’est important, mais qu’en est-il des gens qui sont au-dessus de ça ? Nous n’entendons jamais parler d’eux, à moins que ce ne soit dans une horrible émission de télévision comme My 600 pound life (ma vie avec 300 kg) et, dans ce cas, c’est “appelle l’ambulance, c’est fini”. J’ai voulu écrire un contre-narratif, que vous pouvez avoir une vie active et heureuse, lutter avec votre poids, être intéressé·e par la perte de poids, mais ne pas avoir tout résolu, mais aussi ne pas détester son corps… Je voulais écrire une histoire complexe sur un corps. »

« Ce qui est intéressant à propos de Hunger, c’est le nombre de personnes qui s’y sont reliées. C’est intéressant, mais c’est aussi intéressant de voir à quel point la grossophobie est omniprésente. Comment les gens peuvent-ils lire Hunger, et quand je me pointe, avoir prévu une toute petite chaise sur scène ? Je leur demande “Mais, as tu lu le livre ?” Je veux dire, j’ai écrit à ce sujet. Certaines personnes sont juste incapable d’empathie.  »

À propos d’Internet : « C’est une démocratie vraiment étroite qui a été créée. Vous pouvez voir des magazines qui sont souvent très fiers d’eux-mêmes et se disent divers en termes de types de corps, mais il n’y a pas de diversité du tout. Il y a une femme asiatique et peut-être une femme noire, et peut-être que cette femme noire a des cheveux naturels. Toutes les femmes sont féminines, donc nous ne voyons jamais des femmes masculines comme représentation de la beauté, ce qu’elles sont et c’est incroyablement frustrant. Donc pour chaque victoire ou avantage qu’offre Internet, il y a une responsabilité à prendre, et nous devons également le prendre compte.  »

Alexandra Schwartz explique (41:00) : « Par rapport au féminisme européen et américain en particulier sur le corps, c’est intéressant pour moi. Vous savez qu’en France, les femmes ont obtenu le droit à l’avortement bien avant les femmes aux États-Unis. Et Gloria en a beaucoup parlé, le premier numéro de Ms. magazine était inspiré par la France. Il peut y avoir parfois une sorte de fantasme à propos de la France où quelque chose comme l’avortement n’est pas une question contestée tous les jours, où l’État n’intervient pas sur le corps des femmes. »

 

Roxane Gay

Roxane Gay ajoute (42:30) : « Je pense que parfois nous idéalisons la France comme une utopie où les femmes sont belles, mangent du fromage toute la journée et portent des vêtements de créateurs, sont magiquement minces et c’est merveilleux, et nous nous battons toujours pour la contraception, et nous nous battons pour le droit de dire : “J’utilise un contraceptif parce que j’aime avoir des rapports sexuels”. Tant de femmes justifient encore pourquoi elles utilisent une contraception “je le fais pour contrôler mes règles” et ceci et cela. C’est normal de dire : “J’utilise la contraception parce que j’aime avoir des relations sexuelles”. Je pense que c’est pourquoi nous idéalisons le féminisme européen, parce que nous sommes toujours au Moyen-Âge. Nous n’avons pas de garderies subventionnées, nous n’avons pas de congé maternel universel, nous avons à peine un congé paternel. Donc quand on se bat pour tant de choses, il est très facile d’idéaliser des pays où il semble que le féminisme est au moins en partie résolu.  »

 

Camille Morineau

Camille Morineau dit qu’elle pense que les hommes subissaient aussi des pressions sur leur physique (1:05:00).
Pour lui répondre, Mona Chollet explique : « Je pense que l’écart des pressions est toujours le même. Quand les hommes se font opérer des paupières, les femmes se font déjà opérer du vagin. Je suis désolé de dire ça, mais je pense que les femmes sont toujours bien au-delà. Et je pense aussi que ce n’est pas la même utilisation… Pour les hommes, je ne pense pas que cela engage toute leur identité, c’est une question de pouvoir, c’est une question de trouver un emploi par exemple. Je ne pense pas qu’un homme irait chez un chirurgien après un divorce parce qu’il perdrait confiance en lui, mais les femmes le feraient. »

 

De gauche à droite : Mona Chollet, la traductrice, Roxane Gay, Camille Morineau et Alexandra Schwartz

Ce à quoi Roxane Gay ajoute : « Je suis d’accord. Je pense que les hommes font face à des difficultés. Par exemple, le standard pour les hommes c’est The Rock. Et ça devrait l’être, chaque homme devrait aspirer à être Dwayne Johnson. Et si tu ne peux pas faire ça, je suis désolé pour toi *elle rit*. Mais la répercussion sociale des hommes qui ne se conforment pas aux normes irréalistes établies par Hollywood et les magazines de fitness est si différente. Les hommes peuvent être blessés à ce sujet, mais ils trouveront toujours l’amour, seront en mesure d’être invités à une émission de télévision et être mariés à une femme incroyablement belle. […] Et au cinéma et à la télévision aussi. Les hommes, peu importe leur apparence, trouvent toujours le moyen d’être représentés. Et ils peuvent encore être respectés et se promener librement. Ils obtiennent des “hey big guy”, ce qui est différent de “perd du poids grosse vache”. Cela ne veut pas dire que les hommes ne sont pas victimes de discrimination parce qu’ils sont gros. Ils le sont. Mais ce n’est pas proportionnel à ce à quoi les femmes font face. Et il est important de le reconnaître. Jusqu’ à ce que les hommes fassent de la chirurgie plastique au rythme des femmes, et de la façon dont les femmes se mutilent juste pour adhérer aux normes de beauté… Ils vont très bien… Je ne pleure pas pour les hommes, désolée.  »

À la question “Comment s’en sortir ?” (1:40:00), Roxane gay répond :  » « Je pense vraiment que l’on se pose les mauvaises questions, au lieu de demander “Que devons nous faire ?”, c’est plutôt “qui devrait faire le travail ?”. Et ça devrait être des hommes, parce que nous ne sommes pas le problème. Je pense qu’il est vraiment intéressant de constater que ce sont toujours les femmes qui ont ces débats, ces discussions et font tout le travail pour trouver des solutions aux problèmes qui sont en général créés par le patriarcat. Lorsque vous considérez l’impératif financier d’appliquer des normes de beauté, il s’agit en fait de contrôler le corps féminin. Ce qui est souvent le contrôle de la reproduction, et le contrôle des types de populations qui peuvent s’épanouir et des types de populations qui sont laissées à l’échec. Mais tout cela ne fonctionnera que si nous avons un nouveau système de valeurs culturelles, et je pense donc que nous avons un long chemin à parcourir.  »

Une personne dans le public pose la question (1:18:00) : « Je me demandais quand est-ce que les corps des personnes trans entrent-ils dans la conversation et à quel point pensez-vous que notre libération est liée à la libération des personnes trans ? ». Roxane Gay répond : « Je pense qu’il y a un lien direct. Je pense que la libération du corps de la femme doit être la libération de tous les corps. Et nous ne pouvons pas parler de la libération du corps des femmes sans reconnaître et intégrer les problèmes auxquels les personnes transgenres sont confrontées. Je pense simplement que les deux sont intrinsèquement liés et je pense que bon nombre des problèmes sont très semblables, parce que je pense que lorsque vous êtes trans, vous avez ce besoin… enfin, je ne sais pas… vous avez beaucoup de personnes trans je pense qui ont besoin de faire correspondre l’extérieur et l’intérieur. Et quel genre d’extérieur iels veulent ? Vont-iels adopter les représentations que nous avons vues et qui ont été produites en masse et qui sont malsaines, ou vont-iels opter pour quelque chose de différent ? Et si c’est quelque chose de différent, à quoi ressemble cette différence ? Donc je pense que nous posons tou·te·s les mêmes questions. Mais je pense que nous avons beaucoup de travail à faire pour intégrer cela et intégrer les personnes transgenres dans ces conversations. Et nous ne faisons pas assez ce travail, et je m’inclus dans ce nous.  »

J’ai regretté que l’on n’ait pas plus parlé de la manière dont la société patriarcale impacte différemment les femmes, selon par exemple si elles sont racisées, transgenres, non valides. Une autre point est le fait que la femme “parfaite” est certes mince, mais elle est également blanche (et valide). Le sujet de la couleur de peau a été soulevé trois fois sous trois différentes formes par trois personnes dans la salle à la fin de la conférence (la validité non), à 1:22:00, “Comment peut-on faire une conférence féministe sur la beauté sans parler de l’influence de la colonisation sur les standards de beauté ?”, puis à 1:30:00, sur “l’intersection de la race et du genre, et du fait qu’il y a qu’une seule personne qui peut y répondre”, et enfin à 1:31:00 et ce n’est qu’à la troisième que Roxane Gay a pu aborder la question. Les deux premières fois, les questions ont été gérées (pas répondues) par deux femmes blanches (par hasard, ou non), et “à côté”.

La réponse de Roxane Gay : «  C’est une grande question. Mais c’est aussi une question facile. Tout cela fait partie de la même conversation et je pense que si nous avons une conversation intersectionnelle au sujet des corps, nous devons faire en sorte que la manière dont les corps des femmes noires, par exemple, soient idéalisés si elles ont des grosses fesses et une taille étroite. Et il y a des chansons et des clips vidéos qui ne sont que des temples pour ce genre de corps. et pourtant, cela ne nous donne pas un plus grand apport culturel dans la culture dominante. Et donc il y a un cloisonnement là, qui fait qu’un type de corps idéal pour votre culture, mais pas pour la culture américaine. Et ce cloisonnement est intéressant.  »

« Comme vous le soulignez, nous parlons souvent de la minceur comme étant l’idéal, mais nous ne parlons pas de la manière dont les femmes racisées ont des corps très fétichisés. Il y a un fétichisme pour les femmes asiatiques, un fétichisme pour les femmes latines, un fétichisme pour les femmes du Moyen-Orient. Il y a un fétichisme pour chaque type de femme racisée, une représentation très étroite, et qui est idéalisée, souvent par des hommes blancs et des hommes de ces cultures, et pourtant diabolisés par d’autres moyens. Et nous devons continuer d’en parler et, j’espère que tout le monde comprend que ce sujet fait partie de la conversation que nous devons avoir.  »

On notera aussi le petit passage obligé de tout événement féministe, une question posée par un homme blanc : « J’ai une question innocente et honnête, pourquoi dans ce panel, il n’y a que des femmes ? Est-ce qu’il ne serait pas intéressant d’avoir d’un homme pour réagir et parler de sa vision des choses ?  ». Apprécions la réaction du panel.

 

The Politics of Language

 

 

The politics of language : les politiques de la langue. Un débat avec Mary Kathryn Nagle, Marie Darrieussecq, Anne Garréta, modéré par Gloria Steinem. Elles ont examiné la façon dont les langues façonnent nos actions et nos opinions.

 

Mary Kathryn Nagle : « Aujourd’hui dans les nations Cherokee, sur les 36 000 citoyen·e·s tribaux, je pense que seulement 3000 parlent la langue, donc c’est environ 1 %. Qu’est-ce que cela signifie quand vous perdez votre langue, et que vous perdez votre capacité de voir les choses comme vous les avez toujours vues avant que le monde ne soit retourné contre vous ? Une grande partie du travail que nous faisons dans différentes communautés tribales aux États-Unis, en tant qu’avocat et dramaturge, tourne autour de la violence familiale et des agressions sexuelles. Et à un moment donné, nous essayions de travailler dans différentes communautés tribales pour traduire les supports, parce que vous savez qu’un des buts est de simplement le ramener à nos langues indigènes, et si nous allions dans une tribu, nous travaillions avec les aînés pour traduire ces supports, et nous demandions : quel est le mot pour violence domestique ? Il n’ y en aurait pas, parce qu’avant 1492, la violence n’était pas quelque chose qui se produisait à la maison. Donc il n’ y avait pas de mot. C’est comme le mot “harcèlement sexuel” qui est utilisé pour décrire un acte perpétré contre vous, il n’existait pas avant. Mais à partir du moment où ce mot apparaît, nous devons nous demander pourquoi, d’où et pour quelle raison. »

 

Anne Garréta

Anne Garréta à propos de Sphynx, le livre qu’elle a écrit dans lequel il n’y aucun marqueur de genre : « Quand j’ai décidé de devenir écrivain, il y avait quelque chose qui m’embêtait beaucoup, c’était cette assignation des narrateur·ice·s et des corps à un genre, et il fallait choisir. Il fallait être monogenre, monolangue, une seule facette. Alors j’ai décidé de […] suspendre l’assignation du genre, à la fois pour lea narrateur·ice qui raconte l’histoire, et l’intérêt amoureux de ce·tte narrateur·ice. Donc vous ne pouviez pas dire si c’était un petit ami ou une petite amie, si c’était une histoire hétéro ou queer, ou plus précisément si c’était une histoire hétérosexuelle ou homosexuelle, ce qui en faisait une histoire queer. » Marie Darrieussecq, à propos de ce livre : « Il est incroyable en français. Elle était vraiment une pionnière à cette époque, à la fin des années 80, car les “queer issues”, les problématiques queer, personne n’en parlait à cette époque en France  ».

Gloria Steinem : « Je pense qu’il faut se rappeler que lorsque nous parlons de langue, nous parlons aussi d’écoute, et l’une des choses les plus importantes que nous puissions faire, si nous voulons changer la société, c’est ceci. Si vous êtes dans un groupe où vous avez plus de pouvoir que les autres, d’écouter autant que vous parlez et si vous êtes dans un groupe où vous avez moins de pouvoir que les autres personnes, parler autant que vous écoutez, ce qui peut être tout aussi difficile, parce que si vous avez moins de pouvoir, vous avez l’habitude de vous cacher. Juste ce simple équilibre comme guide quotidien peut faire une énorme différence. »

« Nous pouvons voir à travers le changement des mots, le changement de politique. Par exemple, avant cette vague de féminisme des années 1970, le terme utilisé était “contrôle de la population” (population control). Il y avait beaucoup de réserves sur ce terme parce que cela signifiait souvent ce qui était sous-entendu : le contrôle d’en haut (de l’État) sur la population. Et c’était tout à fait nationaliste et raciste, il y avait beaucoup de problèmes. Quand le mouvement des femmes est arrivé, nous avons commencé à parler de “liberté de reproduction” (reproductive freedom). La capacité de décider pour soi-même si et quand nous avons des enfants. Et cela a duré pendant peut-être 25 ou 30 ans, mais ce terme n’était pas vraiment adapté, car le mot liberté ne montrait pas la réalité des partis pris qui existent dans la communauté médicale ni le contexte économique, donc maintenant les gens parlent de “justice reproductive” (reproductive justice). »

 

De gauche à droite : Anne Garréta, Mary Kathryn Nagle, Marie Darrieussecq, et Gloria Steinem

 

Mary Kathryn Nagle complète : « Souvent, si vous voyez l’évolution du langage, vous vous rendez compte qu’une justification donnée aujourd’hui n’était pas la justification originale donnée lors de la création de la loi et c’est vraiment intéressant. Aujourd’hui, nous nous soucions beaucoup du “droit à la vie” (right to life), ce qui semble en fait convaincant. Mais les toutes premières lois sur l’avortement aux États-Unis dans les années 1800 ont été promues par l’association des médecins américaine (American Medical Association), parce qu’à cette époque, les sages-femmes pratiquant des avortements, la profession médicale à prédominance masculine se sentait très menacée par cela. Et si vous lisez leur littérature au début des années 1800, quand iels ont commencé à faire pression pour faire adopter des lois sur l’avortement, c’était sur la façon dont les femmes devaient rester dans la cuisine, à la maison et dans l’espace domestique. »

« Je pense qu’il y a là une question, surtout si l’on tient compte des origines des premiers défenseurs de ces lois et du fait qu’au début des années 1900, ces mêmes médecins qui luttaient contre l’avortement et qui essayaient de l’interdire, procédaient aussi à la stérilisation forcée des femmes amérindiennes. En quoi est-ce le “droit à la vie” ? En quoi cette formulation est-elle juste ? Et pourtant nous l’utilisions. La formule que nous utilisons est “droit à la vie”. Le langage est très important, et je pense que nous devons nous interroger sur les mots. Les mots qui ne sont pas utilisés et les mots utilisés pour décrire les débats juridiques.  »

 

Marie Darrieussecq

 

Marie Darrieussecq raconte (44:00) : « Dans les écoles en France, nous enseignons “Le masculin l’emporte sur le féminin”. C’est censé n’être que de la grammaire, mais ça décrit le monde. Quand on enseigne ça à six ans, ça veut dire quelque chose sur le monde. Il y a une histoire. Cela a été créé par les académiciens en 1700. C’est de la pure idéologie. avec des phrases comme “Parce que le masculin est plus noble que le masculin, il doit le dominer”. Donc quand la phrase est plurielle en France, on met tout au masculin, donc “50 millions de femmes et un homme sont contents”. Et dans mes romans, je commence à faire des accords de majorité ou de proximité. Et nous faisons face à une résistance incroyable. J’ai reçu une lettre d’insulte. Sérieusement ? »

 

Anne Garréta qui rit de sa blague sur l’académie française

 

(46:00) Anne Garréta complète : « L’Académie française, qui est une bande de vieux, habillés en vert, avec des épées ! Des petits hommes avec des épées *elle rit* dont ils ne savent même pas se servir, sont allés jusqu’à dire que la langue française est sur l’autel de la mort si l’ont fait ce que Marie fait, qui est changer la manière dont on genre le langage. Est ce qu’il y a la même chose aux États-Unis ? »

Mary Kathryn Nagle répond : « Pensons aux façons dont nous changeons les pronoms de genre pour les rendre plus inclusifs, en demandant aux gens de partager leur identité afin qu’il n’y ait pas de présomption du genre des personnes. Personne ne devrait supposer que vous faites partie de la binarité de genre, et d’ailleurs cette binarité ne devrait pas exister. » puis développe : « Vous pensez au français et à l’espagnol en tant que langues très sexuées, et vous pensez que l’anglais n’est pas tellement genré, mais c’est vraiment intéressant de penser à toutes les choses que vous ne réalisez même pas. Par exemple, nous disons “vous les gars” (you guys), donc nous n’avons pas ce “masculin prend le dessus sur le féminin”, mais en fait si. Chaque fois que vous parlez du Président, vous supposez que c’est “il”.  »

Marie Darrieussecq raconte (55:00) : « J‘ai lu Françoise Héritier, et elle disait, il faut dire “les filles et les garçons”. C’est vraiment très simple. Mais je me suis rendu compte que même dans ma tête, je commençais par les garçons. Et dans mes romans, c’est très discret, mais quand j’ai les deux, féminin et masculin, je commence toujours par le féminin. Et ça change quelque chose. Même quand c’est la table et le fauteuil, je commence par la table. Les filles et les garçons, les lectrices et les lecteurs, les citoyennes et les citoyens. Et le monde change. C’est le début de quelque chose.  »

Une membre du public intervient : « Comment pouvons-nous utiliser ce langage (non oppressif) sans que ce soit une charge, et comment ne pas l’imposer à notre discours quotidien ? Comment faire pour que le politiquement correct ne s’empare de notre vie quotidienne ? »

 

Mary Kathryn Nagle

 

Ce à quoi Mary Kathryn Nagle répond : « Je ne vois pas cela comme un fardeau. Quand j’ai entendu des gens s’en plaindre, c’est souvent dans un contexte particulier, tout à coup, iels se sentent mal à l’aise. Iels ne savent pas parler “comme il faut” et on les voit trébucher. “Oh mon Dieu, vous me demandez maintenant d’identifier mes pronoms, ce n’est pas ce que j’ai fait depuis 50 ans” et personne n’aime se sentir gêné·e. Personne n’aime avoir l’impression de ne pas savoir exactement comment participer dans une conversation. Et ce n’est pas un fardeau. C’est un privilège que vous obtenez à l’intérieur de votre communauté de camarades humains, reconnaître l’humanité de chacun dans la salle avec vous. Je sais qu’il y a un énorme retour de bâton aux États-Unis contre le fait d’être “politiquement correct” et il faut y réfléchir, [elle raconte une anecdote qui s’est déroulée à son travail, à propos de l’expression “off the reservation”, à double sens qui a trait aux natifs américains – littéralement hors de la réserve + mais également dans le sens de penser/agir différemment de la norme. Cette expression fait référence à la relocalisation forcée des natif·ves américain·e·s aux réserves aux États-Unis], et mon collègue me dit “Oh mais c’est trop dur d’être politiquement correct”. Mais ce n’est pas si dur que ça. Le langage signifie quelque chose. Cela signifie simplement penser et choisir vos mots, ce qui, à mon avis, rend nos vies meilleures quand nous le faisons, peu importe ce que nous disons. »

Anne Garréta : « Ce n’est pas une charge. C’est du travail. On travaille pour rendre les choses différentes et meilleures.[…] Celleux qui ont un problème, ce sont celleux qui sont paresseux·ses, et dont les privilèges sont durement touchés. Le politiquement correct est généralement quelque chose de critiqué par les gens qui perdent quelque chose dans le travail qui se fait.  »

 

Vous pouvez retrouver les autres conférences (en anglais et sans sous-titres) ici.

The politic of religion : Les politique des religions.
Un débat avec Wassyla Tamzali, Delphine Horvilleur, Annie Laurie Gaylor, Daisy Khan, modéré par Clémence Boulouque.

It Starts in the Streets : Cela commence dans la rue.
 Une performance de slam/poésie par Staceyann Chin suivie par le débat avec Marie de Cenival (de La Barbe), Tania Bruguera, Kathe Kollowitz et "Frida Kahlo" des Guerrilla Girl, Houda Benyamina et modéré par Elisabeth Sackler.

An egalitarian future : Un futur égalitaire
 Un débat avec Caroline de Haas, Heidi Steltzer, Elizabeth Diller, et Cecile Richards, modéré par Carol Jenkins




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