Validisme
Comment être un·e
bon·ne allié·e
entendant·e
pour les personnes
sourdes ?
Roseaux, magazine féministe  abc News



Dans un précédent article Juliette, jeune femme malentendante, nous livrait son témoignage et nous expliquait entre autres les difficultés auxquelles elle doit faire face au quotidien. Elle revient aujourd’hui avec un guide de l’allié·e pour les personnes entendantes. Notre société actuelle étant une société validiste, faite par et pour les valides, les personnes malentendantes ou sourdes ne sont que très rarement (voire jamais) prises en comptes et doivent constamment s’adapter aux personnes entendantes. Alors que c’est justement à ces derniers·ères d’adapter au quotidien leur comportement face aux personnes qui, elles, n’ont pas d’autre choix que de tenter, au prix d’efforts considérables, de s’adapter à une société qui ne les prend pas en compte. D’autant plus qu’il est dans certaines situations physiquement impossible pour les concerné·e·s de s’adapter. À nous de faire des efforts pour leur faciliter la vie à notre échelle, ce soit par les actes ou dans les propos tenus : une remarque validiste est tout aussi grave qu’une remarque sexiste ou raciste. Voici donc des pistes pour ne pas être oppressif·ve, faciliter nos communications et par là devenir un·e bon·ne allié·e.
Marlee Matlin, actrice sourde notamment connue pour ses rôles
dans « The L Word » et « Switched at birth »

 

Proscris les moqueries en lien avec le handicap

Ça concerne surtout les jeunes, mais d’une manière générale évite les phrases du style « tu es sourd·e ou quoi ? », même si la personne n’est pas sourde à ta connaissance. On me l’a dit mille fois en pensant que je ne l’étais pas et c’est tellement, tellement blessant. C’est déjà dévalorisant de se dire qu’on ne comprend rien, et ça demande du courage de faire répéter quelque chose pour la cinquième fois. Ce sont de tels comportements qui nous conduisent à finir par capituler et bluffer par moment.

Fais des efforts pour te faire comprendre.

Quand on te demande de répéter plusieurs fois, on a déjà le sentiment d’être énervant·e, c’est donc mieux si tu ne montres pas de signe d’impatience, même si cela t’ennuie. Rappelle-toi que c’est ton interlocuteur·ice qui est en difficulté. Voilà une astuce qui marche souvent avec mes proches : change de formulation, il y a moyen que cela fonctionne en employant d’autres mots.

Mais pas la peine de crier ou d’articuler de manière exagérée.

Si tu marmonnes on ne va effectivement pas te comprendre mais pas la peine pour autant d’en faire des tonnes. De la même manière qu’augmenter le son de la télévision n’améliore pas notre compréhension, on ne va pas mieux te comprendre si tu cries. C’est une histoire de fréquences : on peut avoir un manque au niveau des aigus, ou des graves, etc. C’est pour cela que les appareils auditifs sont réglés sur mesure avec précisément les fréquences adaptées d’après nos examens : il ne s’agit pas simplement d’un dispositif qui augmente le son (enfin, pour les plus chanceu·x·ses d’entre nous).

Ne mets pas tes ami·e·s sourd·e·s en difficulté

Pitié, ne nous appelle pas. Il y a des gens que je comprends très bien au téléphone mais c’est loin d’être le cas pour tout le monde. Je pense que je parle au nom de nous tou·te·s quand je dis que la vue du téléphone qui sonne est terrifiante. On se sent vulnérable, parce qu’on n’a pas la personne en face pour connaître son expression ou voir ses lèvres. Envoie un message, cela fera gagner du temps à tout le monde et cela nous empêchera un gros malaise.

Dans le même genre, évite les discussions dans une pièce trop sombre. Beaucoup d’entre nous lisent sur les lèvres pour mieux comprendre, et la pénombre rend la lecture labiale compliquée voire impossible. Pour ma part, l’obscurité est un frein total à la communication, et une lumière basse me demande déjà plus d’efforts.
Les conversations de groupe sont parfois difficiles. Quand il y a beaucoup de monde, un bruit de fond et/ou qu’on ne voit pas tout le monde en face, c’est difficile de s’inclure et de participer à une conversation. Dans ces cas-là, si tu vois qu’on est perdu·e, mal à l’aise, tu peux venir vers nous pour essayer de nous inclure.

Ne les mets pas non plus mal à l’aise

Si tu rencontres un·e sourd·e avec des prothèses, merci de ne pas lui faire la réflexion « ah tu es malentendant·e ? » Je n’ai pas envie qu’on me rappelle dès qu’on voit mes prothèses que je ne suis pas comme vous. J’ai un peu le même sentiment que lorsqu’on me demande mes origines dès qu’on me rencontre. Quand tu vois ça, au lieu de nous faire des remarques, fais preuve de bon sens et fais des efforts pour communiquer. Si tu vois par exemple quelqu’un·e avec des prothèses, parle-lui en face, mais ne lui parle pas depuis une autre pièce ou avec tes mains devant la bouche…

Adapte-toi à leur mode de communication

Tout ça concerne surtout les malentendant·e·s qui peuvent communiquer avec vous oralement, ce qui est mon cas. Pour les personnes totalement ou presque totalement sourdes, demande-leur de t’indiquer leur mode de communication. Est-ce qu’iels préfèrent la langue des signes française (LSF) avec un·e interprète ? Ou bien communiquer par écrit via un téléphone portable ? L’outil « notes » est notamment pratique pour cela, c’est simple d’utilisation et tu l’as probablement dans ton téléphone !

D’ailleurs même pour moi qui suis orale, il y a des jours où je n’ai pas l’énergie de faire des efforts pour parler et où j’aimerais bien communiquer par écrit. Si tu sais d’avance que tu vas rencontrer un·e sourd·e qui communique en LSF, apprends en amont un ou deux mots, c’est une attention qui peut être très touchante. S’il s’agit de quelqu’un·e que tu vas voir souvent, apprends plusieurs mots utiles et récurrents en LSF.

Assure-toi que tes activités nous sont accessibles

Si tu nous invites par exemple à voir un film, assure-toi d’avoir les sous-titres disponibles. La lecture labiale n’est pas toujours possible dans un film, et le son provenant d’un appareil est plus difficile à saisir que celui d’une personne en face de toi. De même, ne nous envoie pas de « vidéo super intéressante » si elle n’est pas sous-titrée, à moins que l’intérêt soit uniquement visuel. Si tu es un·e créateur·ice sur YouTube, sous-titre s’il-te-plaît tes vidéos… C’est frustrant de ne pas avoir accès à tant de contenu.

Et non, les sous-titres automatiques ne sont absolument pas pertinents. Moi je m’en sors à peu près, je peux comprendre globalement une vidéo tournée face caméra, mais il y a PLEIN de sourd·e·s pour qui c’est IMPOSSIBLE. On a l’impression de ne pas exister quand vous faites des vidéos non sous-titrées.

Je ne suis pas victime d’une malédiction

Ne te sens pas désolé·e pour nous. Ne commence pas à nous parler d’un article que tu as lu sur un·e soi disant guérisseur·se miracle qui pourrait nous faire entendre comme tout le monde. Ne nous dis pas que tu vas prier pour notre guérison. Ne nous vois pas comme quelque chose qui doit être réparé. Personnellement, je n’ai pas envie de devenir entendante. Je suis heureuse de la façon dont je vois le monde et de pouvoir appuyer sur « off » quand j’en ai assez.

Mes prothèses sont là uniquement pour me faciliter la vie mais je suis mieux sans, entendre aussi fort n’est pas naturel pour moi et ne le sera jamais. Je n’ai pas envie de devenir « normale ». À l’inverse de maladies contraignantes, fatigantes et avec des symptômes douloureux, la seule chose qui est difficile pour moi en tant que sourde est le validisme. Le fait d’être invisibilisée, de subir l’indifférence des valides, et le manque d’efforts en ce qui concerne l’accessibilité.

 

Pour aller plus loin

Signes 2 Mains 
10 apps pour apprendre la langue des signes 
Pour les plus motivé·e·s : des cours de langues des signes
Playlist d’une YouTubeuse américaine sourde (en anglais) 

Enregistrer

Enregistrer





Un Commentaire

Répondre à Janvier 2018 : mes favoris • Inspiration • La Lune Mauve Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.