Culture
The Party : who run the world ? Roseaux, magazine féministe  imdb.com



Avec ce huit-clos tragicomique où la vérité blesse inévitablement et où les regards sont comme des balles, Sally Potter réalise un tour de force. Brut, touchant, frais, innattendu et délicieusement pinçant.

Une femme politique carriériste, une meilleure amie désabusée et cynique à souhait, un couple lesbien féministe, un trader cocaïnomane, un mari essoufflé et un compagnon branché médecines naturelles et karma. Tout ce beau monde se retrouve chez Janet, le soir où elle est nommée ministre de la santé. Le joli noir et blanc n’efface pourtant pas les couleurs : vert·e de rage, rouge de colère, rires jaunes, blanc·he comme un linge, elles y passent toutes.

Eh oui, cette petite sauterie entre ami·e·s ne se déroule pas vraiment comme prévu. Une fois tou·te·s réuni·e·s chez Janet et son mari Bill, celui-ci fait une annonce qui bouleverse tous leurs plans, et c’est tant mieux pour le public. Les regards se croisent, les répliques fusent, l’humour anglais nous prend de court. Bouillon de non-dits et de pieds dans le plat, cette soirée sent le cramé, le vomi et le roussi aussi. On retient son souffle, on rit, beaucoup. Ce film se déguste comme un petit cupcake trop sucré et très joli. C’est trop mais juste assez à la fois. C’est parfait.

Les hommes, ce fardeau

La musique joue le rôle de modératrice, tandis que les hommes incarnent des compagnons plus ou moins fidèles, très encombrants dans tous les cas. Car oui, dans The Party, les hommes sont des boulets, tous autant qu’ils sont. Vieux, malades, défoncés, perdus. Les femmes les trainent comme les années qui passent, se moquent d’eux, deviennent même violentes. Ils sont comme tout petit, tout en bas – d’ailleurs ils restent très souvent assis.

Et puis comme le répète Jinny à sa femme Martha, les hommes « c’est dégoûtant« . Ils n’ont d’intérêt ni physique ni moral. Ce sont tout au plus de bons compagnons de vie, comme on parlerait de labradors bien dressés. Ils prennent de la place, ils sont lourds, la plupart du temps complètement inutiles. L’un est ivre, l’autre perd son sang froid, et le dernier parle pour ne rien dire. Et avec le temps, une connivence particulière s’installe. Les mal aimés, les laissés pour compte, les chiots abandonnés se retrouvent entre eux pour se croire plus forts. Des petites marionnettes qui se dandinent de manière ridicule, suspendues au fil de la nuit.

Le « sexe » fort

Parallèlement, les femmes ne les remarquent pas, sauf quand ils parlent un peu trop fort. Elles ont d’autres choses à faire, et pas des moindres : gérer une carrière politique, mener une grossesse à terme, se venger froidement, se soutenir comme elles peuvent. Elles mènent la barque, et n’attendront pas les éclopés. Toutes les actrices (comme les acteurs) rayonnent et servent le film à la perfection.

Christine Scott Thomas est génialissime en Beyoncé de la politique. Le couple de femmes joué par la sexy Cherry Jones et la resplendissante Emily Mortimer nous rappelle les soirées arrosées où il nous semble si important de savoir si notre date du soir a, un jour, copulé avec l’ennemi juré, ces petits hommes, qui se cachent au fond de la pièce. D’ailleurs, les nombreuses références féministes et « misandres » n’enlèvent rien aux délices du scénario.

Et puis il y a April, jouée par Patricia Clarkson, merveille de cynisme et de fidélité à sa meilleure amie dont elle ne partage sûrement pas les ambitions politiques. Toutes ont des idées bien arrêtées, elles ne pardonnent pas, ne mettent pas une goutte  d’eau dans leur vin. Pour reprendre les mots de Martha, chacune d’elle est une « free woman« . Elles avancent tête baissée dans leurs vies respectives, et dégagent les obstacles d’un revers de la main, peu importe les difficultés.

Mais leur force de caractère n’empêche en rien l’inévitable. Les fenêtres et les verres se brisent, les mots tuent autant que les armes. Et plus le tableau s’assombrit, plus le public rit aux éclats. Le scénario, l’image, le son et le jeu puissant nous montrent qu’on est bien face à un chef d’œuvre de l’humour britannique.





Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.